Emmanuel Macron, qui a promis la plus grande fermeté contre l'antisémitisme, rencontre les représentants de la communauté juive au dîner du Crif, au lendemain de rassemblements en demi-teinte contre la multiplication des actes antijuifs.
«Notre pays est confronté à une résurgence de l'antisémitisme sans doute inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. De nouveau, l'antisémitisme tue en France», a-t-il déclaré lors du dîner annuel du Crif. «J’invite toutes les victimes d’actes antisémites à porter plainte», a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron : « L’antisémitisme ce n’est pas le problème des juifs, c’est le problème de la République » pic.twitter.com/xiqDuxRnfJ
— CNEWS (@CNEWS) 20 février 2019
Le président de la République a cité notamment Sarah Halimi, Ilan Halimi et les victimes de l'attentat de l'Hyper Casher 2015, tués parce que Juifs.
«Nous n'avons pas su agir efficacement»
«Il serait faux de dire que nous n'avons rien fait» contre l'antisémitisme, a assuré Emmanuel Macron. «Mais nous n'avons pas su agir efficacement». «Le temps est donc venu des actes tranchants.»
Le chef de l'Etat a également annoncé une proposition de loi pour lutter contre la haine sur Internet, qui sera déposée «dès le mois de mai». Ce texte «reprendra les propositions» faites dans un rapport remis en septembre au Premier ministre, dont une vise à renforcer la pression sur les opérateurs du Net, dans le cadre d'un renforcement de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur internet. Il a également réclamé la dissolution de trois associations d'extrême droite, dont Bastion Social.
Emmanuel Macron au dîner annuel du CRIF : « La République protège tous les citoyens, toutes les consciences, toutes les paroles » pic.twitter.com/6ktkxHtsBu
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Emmanuel Macron a, en outre, annoncé le lancement d'un «audit» des établissements scolaires touchés par la «déscolarisation» des enfants de confession juive, lors du dîner du Conseil représentatif des organisations juives de France (Crif). Déplorant que des élèves de certains quartiers soient «trop souvent» obligés de «quitter l'école publique», le chef de l'Etat a chargé son ministre de l'Education d'évaluer ce phénomène pour que l'école joue à plein «son rôle de rempart républicain».
«L'antisémitisme se porte de mieux en mieux dans notre pays», a quant à lui constaté le président du Crif, citant la hausse des actes antisémites en France cette année. Selon le ministre de l'Intérieur, 541 actes antisémites ont été recensés en 2018, soit +74% en un an.
«On prendra des actes»
«On prendra des actes, on prendra des lois et on punira», avait déclaré le chef de l'Etat mardi à Quatzenheim (Bas-Rhin), où une centaine de tombes du cimetière juif ont été recouvertes de croix gammées. Des tags antisémites ont également été découverts mercredi sur un monument aux morts à Champagne-au-Mont-d'Or, près de Lyon.
Déplorant un «échec» français dans la lutte contre l'antisémitisme, le président avait également dit vouloir «frapper les consciences», lors d'un recueillement au Mémorial de la Shoah à Paris.
«Le niveau atteint par l'antisémitisme est intolérable. L'urgence de la situation impose des décisions fortes qui vont au-delà des déclarations», a déclaré à l'AFP Francis Kalifat, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui organise mercredi son raout annuel à Paris.
Pour lui, «il faut déjà appliquer la loi avec la sévérité nécessaire. Nous avons un France un arsenal législatif assez abouti pour punir les délinquants antisémites».
La garde des Sceaux Nicole Belloubet a, elle, estimé que les parquets pouvaient «être encore plus attentifs et vigilants» et a aussi rappelé que la réforme de la justice, qui vient d'être adoptée, permet de «porter plainte en ligne».
«Faut-il d'autres textes ? La réponse est évidement oui», a-t-elle aussi estimé: «Sur la diffusion de la haine sur internet et sur les réseaux sociaux, nous n'avons pas suffisamment d'outils juridiques. Il y a des dispositions que nous n'avons pas, sur la responsabilité des hébergeurs, sur le retrait rapide des contenus».
Un projet de loi est en préparation au gouvernement pour lutter contre le cyberharcèlement, et contraindre les opérateurs à retirer dans les meilleurs délais les contenus haineux. Selon le secrétaire d’État au Numérique Mounir Mahjoubi, ce texte - qui fait partie d'un plan triennal lancé en 2018 par l'exécutif - devrait être présenté avant l'été. Il sera couplé à une mobilisation générale au sein du G7 et au niveau européen.
«Nous attendons que ce texte sorte et soit mis en oeuvre», avait souligné M. Kalifat. «Les mots doivent se concrétiser par des actions. Le contrôle sur Internet pour condamner les injures doit suivre et des sanctions doivent être appliquées», avait renchérit Haim Korsia, grand rabbin de France, dans une interview à La Croix.
Emmanuel Macron avait en revanche assuré n'être pas favorable à la pénalisation de l'antisionisme, voulue par M. Kalifat et relayée dans une récente proposition de loi.
«La masse n'était pas là»
Ce dîner est intervenu au lendemain de rassemblements de milliers de personnes en France, qui ont répondu à l'appel d'une vingtaine de partis politiques pour dénoncer la flambée de 74% des faits antisémites en 2018 mais aussi des actes plus récents.
Pendant le week-end du 9 et 10 février, des dessins représentant Simone Veil avaient ainsi été barrés de croix gammées à Paris et des arbres à la mémoire d'Ilan Halimi, jeune homme juif tué en 2006, avaient été vandalisés dans l'Essonne.
La profanation du cimetière de Quatzenheim et les insultes proférées samedi contre le philosophe Alain Finkielkraut à Paris n'ont fait que renforcer l'indignation.
L'ampleur des rassemblements mardi soir a toutefois laissé un sentiment mitigé: «Ils ont eu le mérite d'exister. La classe politique était mobilisée, le gouvernement était mobilisé. Mais j'aurais souhaité que la France se mobilise de façon plus massive», a affirmé M. Kalifat.
«La masse n'était pas là, la foule n'était pas là», a regretté sur CNews Serge Klarsfeld. «Ceux qui n'étaient pas juifs étaient en général absents», a-t-il estimé. «L'antisémitisme, ça ne se guérit pas facilement, c'est un travail très long. Il faut une société où les inégalités soient réduites, des sociétés pacifiées», a-t-il observé.
Selon le ministre de l'Intérieur, 541 actes antisémites ont été recensés en 2018, un chiffre en forte hausse mais qui reste inférieur aux pics de 2014 (851) et 2004 (974).