Par un très large vote, l'Assemblée nationale a adopté ce mardi 5 février la proposition de loi LR controversée «anti-casseurs» remaniée par la majorité, mais 50 députés LREM - un record - ont marqué par l'abstention leur refus des interdictions préventives de manifester.
Dans une ambiance chahutée, la grande majorité des députés LREM et MoDem, ainsi que des LR et UDI ont voté pour, l'ensemble de la gauche s'est prononcé contre, de même que les élus RN.
Déjà approuvé par les sénateurs en octobre, le texte a été validé au Palais Bourbon en première lecture par 387 voix contre 92, et 74 abstentions.
Record de l'abstention chez les députés LREM
Cinquante «marcheurs», dont le vice-président de l'Assemblée Hugues Renson, la présidente de commission Barbara Pompili, ainsi que Matthieu Orphelin, Aurélien Taché et encore Sonia Krimi ont fait le choix de l'abstention, un chiffre jamais atteint depuis 2017 sur un texte soutenu par le gouvernement. Mais aucun n'a voté contre. Sur la loi asile-immigration il y a quelques mois au même stade, les abstentionnistes étaient 14 (et un contre).
«Le texte a été voté» et «il n'y a pas de malaise», a balayé le patron du groupe majoritaire Gilles Le Gendre, qui tablait pourtant lundi sur une vingtaine d'abstentions sur un texte «équilibré».
Sonia Krimi, qui a un temps envisagé de voter contre, a voulu «envoyer un signal» pour que le gouvernement évolue sur la disposition clé des interdictions préventives de manifester pouvant être prises par les préfets. Plusieurs redoutent à l'avenir que ces représentants de l'Etat soient aux mains d'un «régime malintentionné».
Dans le groupe MoDem allié de la majorité, quatre députés se sont abstenus et un, Brahim Hammouche, a voté contre cette proposition «incertaine et confuse», pour que «demain ne rime pas avec gueule de bois».
Le numéro un de LREM, Stanislas Guerini, avait récusé d'avance toute «fronde» : sous François Hollande il s'agissait d'«une opposition fondamentale avec la politique qui était portée» et «ce n'est pas le cas ici».
Plusieurs avocats de renom, dont deux proches d'Emmanuel Macron, se sont élevés contre une «loi de la peur» (François Sureau) ou «une réponse d'un pouvoir qui agit sous la pression et dans l'urgence» (Jean-Pierre Mignard). L'ex-député européen Daniel Cohn-Bendit a considéré auprès de l'AFP que «cette loi ne sert à rien» et est «dramatiquement bête».
Retour au Sénat en mars
Outre les interdictions de manifester pouvant être prises par les préfets, sous peine de six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende, il est également prévu la possibilité de fouilles pour trouver des «armes par destination», sur réquisition du procureur, et encore le principe du «casseur-payeur».
La proposition de loi retournera au Sénat dès le 12 mars pour une deuxième lecture, le gouvernement, qui l'a reprise à son compte début janvier, souhaitant une adoption définitive rapide dans le contexte des manifestations récurrentes des gilets jaunes.
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, qui entend donner des gages à certains syndicats policiers, a répété mardi que ce n'est «pas une loi de la peur», «pas une loi de circonstance mais une loi de bon sens» à l'égard des «brutes» qui empêchent de manifester.
Hasard du calendrier, plusieurs dizaines de milliers de personnes défilaient dans le même temps partout en France, à l'appel principalement de la CGT mais aussi pour la première fois avec la participation de gilets jaunes.