Toujours «déterminés», mais essoufflés après plus d'un mois d'une mobilisation émaillée de violences, des «gilets jaunes» ont mené des actions sporadiques vendredi, jour du 41e anniversaire d'Emmanuel Macron, avant un sixième samedi de manifestions d'une ampleur inconnue.
«On ne lui a pas apporté de cadeau, parce qu'il ne nous en a pas fait». À Toulouse, une trentaine de «gilets jaunes» déguisés se sont réunis pour célébrer à leur façon l'anniversaire du chef de l'Etat.
«On vient faire la fête à Macron, lui souhaiter son anniversaire, c'est peut-être son dernier (comme président, ndlr)», plaisante Christian, en costume de Père Noël.
«On attend d'autres propositions, sur l'augmentation du pouvoir d'achat, la revalorisation des retraites, les handicapés - il n'en a pas parlé -, et surtout l'emploi», poursuit-il.
Pour son premier déplacement en province depuis le début de la mobilisation, le Premier ministre a subi la colère des «gilets jaunes», tenus à l'écart de sa visite d'une coopérative fruitière dans la Haute-Vienne. «Macron, démission ! Ordure!», ont-ils crié de loin.
Alors que neuf personnes ont trouvé la mort depuis le début du mouvement, le rond-point donnant accès à l'A62 près d'Agen, où un «gilet jaune» a été tué jeudi, a été évacué vendredi matin, a indiqué la préfecture du Lot-et-Garonne.
À Pfastatt (Haut-Rhin), 14 «gilets jaunes» qui voulaient bloquer jeudi soir l'usine d'un sous-traitant de PSA, ont été arrêtés.
Les rassemblements se poursuivaient localement comme sur un rond-point d'Albert (Somme) où la dizaine de manifestants n'a pas été délogée par la police. «Ici, on n'a jamais bloqué la circulation, juste fait des barrages filtrants», explique Raoul, 44 ans, demandeur d'emploi, près d'un fût en métal où brûlent des palettes.
«Constructifs» ou «énervés»
Pour le sixième samedi consécutif, des appels à manifester ont encore été lancés partout en France.
Depuis le pic du 17 novembre, avec 282.000 manifestants, la mobilisation est en baisse, avec 166.000 personnes décomptées le 24 novembre, 136.000 les 1er et 8 décembre et 66.000 le 15 décembre. Jeudi, 3.680 «gilets jaunes» se sont mobilisés dans toute la France, selon le ministère de l'Intérieur.
L'une des figures du mouvement, Eric Drouet, appelle à se rendre samedi à Versailles, plutôt que Paris, ce qui a entraîné une fermeture exceptionnelle du domaine et du château. Plusieurs centaines de personnes pourraient répondre à cet appel, d'après le préfet des Yvelines.
Samedi «c'est Paris, forcément», affirmait à l'inverse un «gilet jaune» lorrain, qui souhaitait rester anonyme. «La colère monte. (...) On se tâte à se mettre à crier sérieusement».
Les commerces parisiens, qui devraient accueillir de nombreux clients à trois jours de Noël, ont été «invités à faire preuve de vigilance» par la préfecture de police.
À Bordeaux, où 4.500 «gilets jaunes» étaient mobilisés samedi dernier, davantage que dans la capitale, aucune manifestation n'a été déclarée selon la préfecture, bien que des appels aux rassemblements circulent sur les réseaux sociaux.
Musées, jardins publics resteront fermés. Le match de Ligue 1 Bordeaux-Amiens prévu samedi à 21H00 a été reporté à dimanche 17H00.
Le collectif «Gilets jaunes constructifs» appelle à manifester «pacifiquement» puis à «réaliser les achats de Noël dans les commerces situés sur le parcours de la manifestation». Les manifestations des 8 et 15 décembre avaient été marquées par des violences dans la ville.
La préfecture du Rhône a autorisé les commerces du département à ouvrir le dernier dimanche de décembre et les trois premiers de janvier, pour pallier les «difficultés économiques liées au mouvement social dit des gilets jaunes».
Fabrice Schlegel, un des fondateurs du mouvement à Dole (Jura), est aussi en faveur d'«une sorte de trêve des confiseurs», craignant que le mouvement ne se «radicalise», avec des «énervés qui ne vont pas rentrer à la baraque comme ça».
«On est dans un collectivisme où celui qui a le gilet le plus sale, celui qui a brûlé le plus de palettes, c'est le chef», déplore-t-il.
Parallèlement, les pages des cahiers de doléance disposés dans les mairies de France commencent à être noircies, préface du «grand débat national» qui débutera mi-janvier.
«Monsieur, ne sentez-vous pas dans nos campagnes un vent mauvais se lever ?», a ainsi écrit un anonyme à Charleville-Mézières (Ardennes).