Le nombre très élevé d'interpellations survenues samedi, à l'occasion de la journée de mobilisation des «gilets jaunes», était vivement critiqué dimanche par des avocats, qui dénoncent leur caractère parfois préventif, avant toute infraction.
«On a interpellé des gens qui voulaient simplement aller manifester. (...) Lorsqu'on interpelle des gens qui n'ont rien fait, simplement parce que l'on considère qu'ils ont des intentions dangereuses, on change de régime, on change de paradigme», a expliqué sur Franceinfo Me Arié Alimi, avocat au barreau de Paris et membre de la Ligue des droits de l'homme.
Samedi, 1.723 arrestations ont eu lieu en France au total, en lien avec les manifestations de «gilets jaunes». A Paris uniquement, 1.082 personnes ont été interpellées -un nombre record- pour plus de 900 gardes à vue.
Dimanche matin, 396 gardes à vue avaient été levées à Paris : 284 procédures ont été classées sans suite et 108 individus mis en cause ont été déférés au parquet. Dans les quatre autres cas, soit le parquet de Paris s'est dessaisi, soit la garde à vue a été levée pour raison médicale.
Les autres gardes à vue, soit plus de 500, étaient toujours en cours, a précisé le parquet.
La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a réfuté qu'il s'agissait d'«interpellations préventives».
«Les interpellations qui ont eu lieu hier, et qui ont donné lieu à des placements en garde à vue, résultent d'infractions», a expliqué la Garde des Sceaux.
Elle a également affirmé que ces «infractions» avaient été «constatées» au moment de contrôles d'identité ou à l'issue d'enquêtes lancées préalablement.
Mais, côté avocats, on conteste la réalité de ces infractions.
«Mes clients, deux parents et leur enfant de 21 ans qui venaient d'Alsace, ont été arrêtés à la sortie de leur véhicule, dans le VIIIe arrondissement de Paris», a détaillé auprès de l'AFP Me Avi Bitton.
«Ils ont été fouillés, ils n'avaient rien sur eux. On leur a demandé d'ouvrir le coffre de la voiture, où il n'y avait que des casques de vélo en plastique, qui ne dissimulent pas le visage.»
La famille a été relâchée dans la soirée «sans poursuites».
Selon lui, les interpellations opérées dès samedi matin tôt s'apparentent davantage à «un outil de dissuasion vis-à-vis de la population française».
«A ce compte-là, on aurait pu interpeller tous les manifestants qui étaient à Paris hier. Nous sommes toujours en démocratie mais c'est une dérive autoritaire du gouvernement à laquelle on a assisté», a ajouté Me Bitton.
Au contraire, chez les forces de l'ordre, on faisait valoir que des boules de pétanque, des armes blanches ou des bâtons avaient pu être saisis en amont lors de contrôles en gare, dans la rue ou aux péages des autoroutes menant à Paris.