La tenue de négociations se heurte à la structure atypique du mouvement et à la fermeté du gouvernement.
Le compromis dans l’impasse ? Trois semaines après le début du mouvement des gilets jaunes, qui ne cesse de s’amplifier, au risque de s’embraser, le dialogue entre les opposants et l’Etat semble être au bord de l’enlisement.
Preuve en est l’annulation, lundi soir, de la rencontre programmée ce matin entre le Premier ministre, Edouard Philippe et une délégation de contestataires. Ces derniers se sont finalement désistés, alors que la réunion devait permettre d’entendre leurs demandes et de faire des propositions pour sortir de la crise.
A quatre jours d’une nouvelle mobilisation parisienne – et donc d’un potentiel quatrième samedi noir –, les perspectives ne sont pas rassurantes.
Les chefs de partis entendus
Soucieux d’alimenter le débat avec l’ensemble du spectre politique, le chef du gouvernement, à la demande du président, avait pourtant entamé la discussion, lundi, avec les principaux chefs des partis d’opposition. De Laurent Wauquiez (LR) à Marine Le Pen (RN), en passant par Olivier Faure (PS) ou Nicolas Dupont-Aignan (DLF), tous ont été reçus à Matignon et ont plaidé pour une résolution du conflit, demandant à l’Etat de lâcher du lest. A l’instar d’autres corporations (ambulanciers, routiers, infirmières, étudiants…), ils rejoignent ainsi les revendications des gilets jaunes.
Mais pour ces derniers, les consultations s’annonçaient stériles avant même leur tenue. «De nombreux députés LREM font le tour des médias pour dire que le gouvernement ne changera pas de cap. [C’est] à se demander s’il n’a pas choisi la technique du pourrissement», a réagi lundi le collectif, justifiant également la volte-face par des menaces reçues ces derniers jours.
De son côté, le gouvernement n’entend pas «mettre la poussière sous le tapis» en faisant un «geste», a averti lundi son porte-parole, Benjamin Griveaux, excluant de fait toute annulation de taxes ou compensation financière qui pourrait redonner du pouvoir d’achat aux Français. Par ailleurs, «une initiative d’ordre purement politique (dissolution de l’Assemblée nationale, remaniement ministériel ou référendum) ne satisferait pas la majorité des gilets jaunes», estime le politologue Philippe Moreau Chevrolet.
D’après lui, la seule sortie de crise serait «d’annoncer des mesures fortes, concrètes et immédiates». Au risque pour l’Etat de perdre du crédit et d’écorner son image de pouvoir réformateur.
Edouard Philippe en première ligne
Face à l’ampleur de la fronde, le président reste muet. Depuis samedi soir, il s’est contenté de deux tweets pour remercier forces de l’ordre et pompiers. Sommé de réagir, il a choisi d’envoyer son Premier ministre au front pour désamorcer la crise. C’est donc Edouard Philippe qui s’exprimera, mercredi et jeudi, devant les députés et les sénateurs sur le sujet.
«Mais Emmanuel Macron a raison de ne pas s’exprimer, car pour l’instant, son discours est inaudible», souligne Philippe Moreau Chevrolet. L’exercice est d’autant plus difficile pour le Premier ministre que le mouvement des gilets jaunes, protéiforme et non structuré, n’a pas de négociateur attitré.
En outre, le silence présidentiel, s’il se prolonge, risque d’être ressenti par les gilets jaunes comme un affront, voire une humiliation. Ce qui pourrait remettre encore un peu plus d’huile sur le feu.