Le gouvernement va dévoiler jeudi son outil de mesure des inégalités salariales femmes-hommes dans les entreprises, qui auront trois ans pour les réduire au minimum si elles ne veulent pas payer de pénalités financières.
Temps partiels subis, inégal accès aux postes à responsabilité, faible mixité de certains emplois: les femmes gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes, tous postes confondus. À poste et âge équivalents, l'écart demeure à 9%, bien que le principe "à travail de valeur égale, salaire égal" soit inscrit dans la loi depuis 45 ans.
Le gouvernement avait annoncé en mars son intention de créer un indicateur pour mesurer les écarts de rémunération à partir de 2019 et pousser les entreprises de plus de 50 salariés à les réduire, avec la menace de sanctions financières au bout de trois ans pour les plus récalcitrantes, qui pourront aller jusqu'à 1% de leur masse salariale.
"Ce qui est fou, c'est que tout existe dans le droit, mais dans les faits l'égalité n'est pas là. Notre objectif c'est de passer de belles déclarations juridiques à une véritable égalité réelle", avait déclaré en mars le Premier ministre Édouard Philippe. Alors que jusqu'à présent les entreprises avaient "une obligation de moyens", elles auront désormais "une obligation de résultats", répète la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
La loi Avenir professionnel, votée à l'été, assigne aux employeurs l'objectif de "suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes" et une obligation de transparence car ils devront désormais rendre publics ces écarts.
Mais le mécanisme pour mettre en œuvre cet objectif se faisait attendre. La ministre du Travail avait confié en mai une mission à Sylvie Leyre, DRH France du groupe industriel Schneider Electric, pour en définir la "méthodologie".
Après de premiers retours et de premières expérimentations menées cet été, le ministère a présenté ces derniers jours à chaque organisation syndicale et patronale les conclusions de cette mission, qui feront l'objet d'ultimes arbitrages avant de leur être remises collectivement jeudi après-midi.
Cinq critères
Selon plusieurs sources syndicales, cinq critères ont été retenus: l'écart de rémunération (avec des distinctions par âge et catégorie socioprofessionnelle), l'écart dans les augmentations annuelles, l'écart dans les promotions, les augmentations au retour de congé maternité et enfin la présence de femmes parmi les plus gros salaires de l'entreprise.
L'ensemble de ces critères donnerait un total de 100 points, et une entreprise obtenant moins de 75 serait pénalisée. Mais ce seront les détails qu'il faudra scruter. Ainsi, sur le principal critère, celui de la rémunération, qui pèserait sur 40 points sur 100, le gouvernement tolérerait un écart de 5%, selon les syndicats.
"Cela ne nous satisfait pas", a réagi la négociatrice CGT Céline Verzeletti, qui veut parvenir à "une suppression totale". A la CFTC, Pascale Coton "aimerait que ce seuil soit abaissé à 3%".
Ce chiffre ne semble pas encore faire l'unanimité au sein du gouvernement puisque la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a plaidé jeudi pour qu'il n'y ait "aucun écart". "Même 2% d'écart est inacceptable", a-t-elle dit sur France Info.
Parmi les autres critères, une entreprise qui n'appliquerait pas les augmentations à une salariée de retour de congé maternité, comme le code du travail l'y oblige, perdrait ses 15 points. Une entreprise garderait tous ses points si l'écart hommes-femmes était inférieur à 4% dans les augmentations annuelles et à 2% dans les promotions. Enfin, il lui faudrait avoir trois femmes dans les dix plus hauts salaires pour remplir le dernier critère.
L'exécutif prévoit également le quadruplement des contrôles de l'inspection du travail sur l'égalité salariale. Ils passeraient à 7.000 par an pour les entreprises de plus de 250 salariés, et à 30.000 pour celles de 50 à 249 salariés.
En parallèle à ces mesures pour le secteur privé, le gouvernement et les partenaires sociaux ont achevé leurs discussions sur l'égalité femmes-hommes dans la fonction publique. L'exécutif a donné jusqu'au 26 novembre aux syndicats de fonctionnaires pour se prononcer sur la version finale du protocole d'accord.