«Est-ce que j’ai une société structurée qui descend dans la rue» pour l'environnement ? A la question posée par Nicolas Hulot lors de sa démission surprise, des citoyens répondent «oui», d'abord sur les réseaux sociaux puis samedi dans la rue, sans passer par les cases ONG ou parti politique.
Rédigée «sous le coup de l'émotion», la pétition lancée sur change.org par Mathieu Hestin, consultant en développement durable de 35 ans, comptait près de 100.000 signatures vendredi. Près de 110.000 personnes se disaient aussi intéressées sur Facebook par la «Marche pour le climat», ce samedi à Paris, lancée par Maxime Lelong, 27 ans. Une initiative qui a essaimé à travers toute la France avec plus d'une vingtaine de rassemblements annoncés.
«On prend le relais» après la démission du populaire ministre de la Transition écologique, promet un groupe Facebook créé par Alexandra Romano, cheffe d'entreprise, avec des amis.
Le départ surprise de Nicolas Hulot, combiné aux événements climatiques extrêmes de cet été à travers le monde, a joué un rôle de détonateur.
«Mais au quotidien, qui j'ai pour me défendre ?», avait lancé le ministre sur France Inter. «Est-ce que j'ai une société structurée qui descend dans la rue pour défendre la biodiversité? (...) Est-ce que j'ai une union nationale sur un enjeu qui concerne l'avenir de l'humanité et de nos propres enfants ?»
«Il disait se sentir seul, je me suis dit "on est là, il faut qu'il le sache"», raconte à l'AFP Mathieu Hestin.
«L'appel à une prise de conscience de la société civile était tellement explicite que je me suis dit qu'il y avait forcément un appel qui avait émergé sur les réseaux sociaux», abonde Maxime Lelong. Quand ce futur père se rend compte que ça n'est pas le cas, celui qui se définit «de la génération Facebook» crée un événement sur la plateforme pour une manifestation.
Aucun d'eux ne se revendique militant environnemental, même s'ils sont sensibles à la question. Ils assurent ne pas être engagés en politique ou dans des grandes ONG.
Mobilisation au coup par coup
Leurs initiatives ont rencontré un écho dépassant leurs espérances. Nicolas Hulot «a libéré quelque chose», juge Alexandra Romano. Pour la première fois, un ministre a dit haut et fort qu'«on ne peut rien faire parce que les lobbies monopolisent tout et que le système dans lequel fonctionne le gouvernement crée de l'immobilisme», estime-t-elle.
Maxime Lelong, qui avoue avoir un moment «paniqué face à l'engouement» pour sa marche, prévue à l'origine le 2 septembre, a été rapidement approché par l'association 350.org, qui avait elle-même prévu un rassemblement le 8 à Paris. Ils décident de fusionner les événements. Depuis, des dizaines d'ONG se sont jointes au mouvement.
«Cette marche est d’abord portée par des citoyen.ne.s non organisé.e.s», souligne un consensus de manifestation qui définit un ordre strict de marche: citoyens devant, puis ONG, syndicats, partis politiques. «On veut absolument éviter la récupération politique», insiste Maxime Lelong.
Julien Bayou, porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts, y voit pourtant une marche «non partisane mais éminemment politique» pour obtenir des réponses à hauteur de l'enjeu.
Les ONG se réjouissent de cet élan spontané, même s'il est difficile de savoir comment il se traduira concrètement dans la rue samedi et comment le prolonger. Une piste envisagée est une plateforme internet répertoriant des initiatives concrètes dans divers domaines de l'environnement.
«On a une société plus encline à se mobiliser au coup par coup», analyse Maxime Combes d'Attac. Les ONG s'adaptent en étant plus actives sur les réseaux sociaux et avec une organisation moins pyramidale. «L'aspiration à des cadres moins hiérarchisés existait déjà, on n'assiste pas à une rupture», mais peut-être à une «nouvelle phase», estime-t-il.
Les initiatives spontanées sont plus «fréquentes», «et c'est bien», abonde Gabriel Mazzolini, des Amis de la Terre.
Pour autant, le rôle des associations reste primordial, considère Jean-François Julliard de Greenpeace, pour qui, «sans le travail de 350.org, cet appel spontané n'aurait peut-être pas suffi».