Face à la première grande crise du quinquennat, l'Elysée tente de reprendre la main avec l'annonce d'une réorganisation pour éviter de nouveaux «dysfonctionnements», et la promesse qu'Emmanuel Macron va sortir de son silence.
Lors de leurs auditions lundi devant les députés le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb et le préfet de police Michel Delpuech ont tous deux désigné l'Elysée comme étant «l'autorité hiérarchique» d'Alexandre Benalla.
A leur issue, les ténors de l'opposition ont de nouveau appelé Emmanuel Macron, mutique depuis le début de l'affaire, et son entourage à s'expliquer.
Les ténors de la majorité lançaient de leur côté la contre-offensive, calée dimanche soir lors d'une réunion à l'Elysée réunissant autour du chef de l'Etat le Premier ministre Edouard Philippe, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux et le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement Christophe Castaner.
Emmanuel Macron est «calme et extrêmement déterminé à ce que la vérité puisse être établie» sur cette affaire, la plus grave qu'il ait eu à gérer depuis son arrivée au pouvoir, a assuré M. Griveaux.
«Quand l'ensemble des éléments seront établis, le président s'exprimera.(...) Il décidera et le dira», indiquait son entourage dès dimanche soir, précisant que le chef de l'Etat avait qualifié d'«inacceptables» les faits reprochés à son ex-collaborateur.
Resté lundi à l'Elysée, Emmanuel Macron n'a pas de rendez-vous public à son agenda avant de se rendre mercredi après-midi dans les Hautes-Pyrénées, où il ne suivra finalement pas une étape du Tour de France comme cela avait été envisagé. Il est ensuite attendu en Espagne et au Portugal en fin de semaine.
«Sous Emmanuel Macron, tout se passe à l’Elysée», a réagi après les auditions à l'Assemblée Olivier Faure, le patron du PS, jugeant «plus que jamais besoin d’entendre le cabinet du président».
Pour le député LR Eric Ciotti, Emmanuel Macron doit avoir «le courage» de s'expliquer car «c'est lui qui est au sommet de cette chaîne (...) de dérapages, de dérive extrêmement grave».
«C'est donc au cabinet du président qu'il faut aller chercher les responsabilités», a également déclaré Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national.
Le directeur de cabinet de l'Elysée Patrick Strzoda devrait être auditionné dans les prochains jours par les députés puis par les sénateurs, qui entendront aussi jeudi le secrétaire général Alexis Kohler, bras droit d'Emmanuel Macron.
La sécurité en question
Avec cette succession d'auditions dans les prochains jours et les enquêtes judiciaires en cours, «il est plus compliqué pour le président de prendre la parole», estime Bruno Jeanbart, directeur des études d'OpinionWay.
Selon cet expert, il «aurait dû probablement parler tout de suite» en «reconnaissant une erreur sur la première sanction" infligée à Alexandre Benalla pour avoir frappé un manifestant le 1er mai. «Reconnaître ses erreurs n'est pas infamant du point de vue de l'opinion publique, c'est même plutôt une attitude qui serait attendue», indique-t-il.
Au cours de la réunion de crise dimanche, Emmanuel Macron a aussi demandé à Alexis Kohler de «mener une réorganisation pour éviter qu'un tel dysfonctionnement se reproduise» au sein de la présidence.
Cet examen devrait porter sur le cabinet dirigé par Patrick Strzoda, un haut fonctionnaire de 66 ans très expérimenté.
Il concernera aussi le dossier sensible de l'organisation de la sécurité du chef de l'Etat, sur laquelle une réflexion est menée depuis plusieurs mois. Elle vise à rassembler dans un nouveau pôle les différents services compétents, dont le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), le service de la police responsable de protéger le président lors des déplacements, et le Commandement militaire, qui sécurise l'Elysée.
L'actuel schéma a été critiqué par la Cour des Comptes pour son coût et sa complexité.
Mais le projet de réforme fait grincer des dents, notamment au sein de la police. A la lumière de l'affaire Benalla, Jean-Paul Megret, secrétaire national du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), a dénoncé samedi dans Le Monde la «logique dangereuse» de créer «une entité à part, sous l'autorité unique de l'Elysée, qui pourrait recruter en dehors de la police et de la gendarmerie».