Nouveau coup dur pour la ministre de la Culture, régulièrement contestée: plus d'un an après sa nomination, le gouvernement a retiré par décret à Françoise Nyssen, ex-patronne d'Actes Sud, la régulation économique du secteur de l'édition.
Selon un décret publié mardi au Journal officiel, Françoise Nyssen se voit retirer par le Premier ministre Edouard Philippe ses attributions concernant «la tutelle du Centre national du livre» et «la régulation économique du secteur de l'édition littéraire», et ne doit pas intervenir dans aucun dossier impliquant «la société "Actes Sud"».
Ces attributions sont désormais «exercées par le Premier ministre», ajoute ce texte, précisant que ces décisions ont été prises «sur la proposition de la ministre de la Culture».
Réagissant auprès de l'AFP, la ministre a indiqué qu'elle «prenait acte» de cette décision. «Ce qui m'importe c'est de continuer à faire. Je suis là pour faire», a-t-elle ajouté.
La ministre a précisé qu'elle continuait à piloter la concertation sur la réforme du statut social des artistes auteurs, après une première réunion qui s'est déroulée lundi. «Je suis vraiment à la manoeuvre sur cette question qui est importante et me tient à coeur», a-t-elle assuré.
Selon son entourage, le retrait d'une partie de ses attributions concernant l'édition résulte d'une série d'échanges entre la ministre et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dont Mme Nyssen a fini par solliciter un avis officiel, le 23 janvier.
Nommée ministre en mai 2017, Françoise Nyssen, 67 ans, a dirigé à partir du début des années 80 les éditions Actes Sud, fondées à Arles en 1978 par son père Hubert Nyssen (1925-2011), et en a fait l'un des fleurons de l'édition française.
En arrivant au gouvernement, la ministre avait laissé à son mari, Jean-Paul Capitani, les rênes d'Actes Sud, qui compte à son palmarès quatre Prix Goncourt (Laurent Gaudé, Jérôme Ferrari, Mathias Enard et Eric Vuillard) et deux prix Nobel de littérature (Imre Kertész et Svetlana Alexievitch).
Plusieurs précédents
Avant Françoise Nyssen, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait fait l'objet du même genre de mesure pour cause de conflit d'intérêt.
Son mari, Yves Lévy, est le PDG sortant de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), organisme placé sous la double tutelle des ministères de la Santé et de la Recherche.
Lorsque Mme Buzyn est entrée au gouvernement en mai 2017, un décret l'a déchargée de tout ce qui touche à l'Inserm, qui doit être géré par Matignon et le ministère de la Recherche.
«La question est pourquoi on nomme des gens à ce point dans des situations de conflit d'intérêts ? Il y a d'autres gens à nommer. Pour moi, le cas le plus évident est celui de Mme Parly», a réagi auprès de l'AFP Vincent Jauvert, journaliste de l'Obs, auteur du livre «Intouchables d'Etat» (Robert Laffont).
La ministre des Armées Florence Parly, en fonctions depuis juin 2017, s'était elle aussi trouvée face à un conflit d'intérêts. Elle avait renoncé à ses mandats au sein du groupe de conseil en technologies Altran, du fabricant de terminaux de paiement Ingenico et de l'équipementier aéronautique Zodiac Aerospace.
Son mari, Martin Vial, patron de l'Agence des participations de l'Etat (APE) - chargée de gérer le patrimoine de l'Etat actionnaire dans différentes industries et services, dont Safran, Thales et Airbus dans la défense - avait mis entre parenthèses toutes ses responsabilités liées aux industries de défense.
L'action de Françoise Nyssen fait souvent l'objet de critiques. Son plan pour lutter contre les déserts culturels s'était attiré en avril les foudres des Centres dramatiques nationaux. Le quotidien Libération avait alors consacré sa Une à la ministre et aux «maladresses sur les dossiers dont elle a la charge».
Depuis, la ministre a multiplié les annonces, dont la présentation début juin de premières pistes pour réformer l'audiovisuel public.