L'eurodéputé RN Nicolas Bay, le garde du corps de Marine Le Pen, Thierry Légier, rémunéré comme assistant parlementaire, et deux autres assistants ont été récemment mis en examen dans le cadre de l'affaire des emplois présumés fictifs du FN au Parlement européen, a-t-on appris lundi de sources concordantes.
Nicolas Bay, dont le nom circule pour conduire la liste du Rassemblement national (RN, ex-FN) aux élections européennes, a été mis en examen le 8 juin pour «abus de confiance», le même chef de délit retenu à l'encontre de la présidente du RN Marine Le Pen en juin 2017. Thierry Légier a lui été mis en examen le 18 avril pour «recel d'abus de confiance», selon une source proche de l'enquête.
Les juges français ont retenu, dans le cadre de l'affaire des assistants présumés fictifs d'eurodéputés FN, deux millions d'euros d'aide publique au Rassemblement national (RN, ex-FN), qui risque la cessation de paiement et crie à l'«assassinat politique».
Les juges financiers parisiens qui enquêtent sur cette affaire, dont le préjudice estimé par le Parlement européen est de 7 millions d'euros sur la période 2009 à 2017, ont demandé, dans une ordonnance datée du 28 juin, «la saisie pénale d'une somme destinée au Front national au titre de l'aide publique apportée aux partis pour un montant de deux millions d'euros», a indiqué une source proche du dossier, confirmant une information de RMC.
«En confisquant notre dotation publique sans jugement sur cette pseudo affaire des assistants, les juges d'instruction nous appliquent la peine de mort "à titre conservatoire"», a estimé sur Twitter la présidente du RN, Marine Le Pen, qui va faire appel de cette décision. Comme l'appel n'est pas suspensif, «dès lundi, le RN ne pourra plus mettre en oeuvre aucune activité politique» et il sera «mort à la fin du mois d'août"», selon Mme Le Pen, qui donnera une conférence de presse à ce sujet lundi à 10h.
Pour le parti d'extrême droite, il s'agit d'un «coup de force sans aucune base légale (qui) fait encourir au RN la cessation de paiement», selon un communiqué. D'autant que le RN n'arrive pas à obtenir de prêts des banques, rappelle-t-il.
Décision «politique»
Dans une lettre ouverte aux adhérents, Mme Le Pen appelle ses militants à se «lever» contre «une dictature qui veut tuer le premier parti d'opposition». Pour la députée du Pas-de-Calais, «le caractère politique de l'initiative ne fait aucun doute, puisque l'un des deux juges est membre du Syndicat de la Magistrature», classé à gauche, «et l'autre est un de ses compagnons de route».
L'ancienne avocate dénonce «une violation manifeste et incontestable» de la présomption d'innocence. «Le RN se voit appliquer une exécution d'une peine qui n'a pas été prononcée dans une affaire qui n'est pas encore jugée, mais qui est au stade de l'instruction. Cela est d'autant plus choquant que les faits sont formellement contestés».
En outre, il y a selon elle une «violation du texte invoqué», les juges appliquant une «disposition légale applicable au grand ». «Or, dans le cas d'espèce, il n'existe aucun lien entre la somme due par l'Etat et l'infraction supposée». Enfin elle estime que la somme «excède très largement, par son montant insensé, les amendes encourues et les préjudices prétendus».
Le RN devait recevoir lundi, comme d'autres partis politiques, une avance de la moitié de l'aide publique à laquelle elle a droit à la suite de ses résultats aux législatives de 2017, dont le versement a pris du retard. L'aide publique au RN représente au total environ 4,5 millions d'euros, selon le parti.
Un «système» organisé
Cette aide publique est la principale source de financement des partis, qui recevront globalement 68 millions d'euros au total en 2018. Dix personnes ou entités sont mises en examen à ce jour dans l'affaire des assistants présumés fictifs d'eurodéputés. Le FN en tant que personne morale et neuf assistants ou eurodéputés, dont Marine Le Pen, le député des Pyrénées orientales Louis Aliot, et l'eurodéputé Bruno Gollnisch sont poursuivis.
Les juges d'instruction enquêtent sur un possible «système» organisé par le parti, devenu début juin Rassemblement national (RN), et Marine Le Pen pour faire rémunérer des permanents avec les fonds européens réservés à l'embauche d'assistants parlementaires. Les investigations ont mis au jour des courriels et des tableaux suggérant que les contrats d'assistant étaient ventilés selon les crédits disponibles sur les enveloppes des élus, sans nécessairement demander l'accord de ces derniers.
Marine Le Pen est notamment soupçonnée d'avoir «donné des instructions» afin que des eurodéputés engagent comme assistants des personnes «occupant en réalité des emplois» au FN, selon les termes de sa mise en examen intervenue le 30 juin 2017, d'après une source proche du dossier. Mais pour la dirigeante du RN, il s'agit d'un «dossier vide» où les personnes mises en cause «ont toujours contesté les faits».