Bernard Tapie s'est dit «extrêmement heureux» du rejet de la demande de liquidation judiciaire de ses sociétés.
Ce dernier doit, néanmoins, encore batailler pour valider un délicat plan de remboursement des millions perçus en 2008 dans l'arbitrage de son litige avec le Crédit lyonnais, qui lui vaut un renvoi en correctionnelle.
Le tribunal de commerce de Paris a rejeté jeudi la demande formulée par le parquet, qui souhaitait voir le plan de sauvegarde des holdings GBT (Groupe Bernard Tapie), propriétaire du groupe de médias La Provence, et FIBT (Financière Immobilière Bernard Tapie), converti en une liquidation judiciaire immédiate afin d'honorer sa créance colossale.
L'ex-patron de l'Olympique de Marseille, affaibli à 75 ans par un cancer de l'estomac, a en effet été définitivement condamné l'an dernier à rembourser à l’État les 404 millions reçus lors de l'arbitrage censé mettre un terme à son bras de fer avec le Crédit lyonnais sur la revente d'Adidas en 1994.
Mais l'ancien ministre avait placé auparavant ses sociétés en procédure de sauvegarde, évitant toute saisie de ses biens.
Une partie est déjà indisponible, puisque saisie dans le volet pénal de ce dossier tentaculaire, qui vaut à Bernard Tapie d'être renvoyé en correctionnelle pour «escroquerie» et «détournement de fonds publics».
Le procès à Paris, dont la date n'a pas encore été fixée, doit se tenir au printemps 2019, selon une source proche du dossier.
Pour la première fois, le parquet demandait cette liquidation en s'appuyant sur l'annulation, en avril, du plan initial de remboursement sur six ans proposé par Bernard Tapie.
La cour d'appel avait invalidé ce plan en fustigeant un «défaut de financement», la procédure «ne prévoyant aucune cession d'actif» susceptible de fournir des liquidités.
Jeudi, le tribunal ne s'est pas prononcé sur le nouveau projet présenté par Bernard Tapie, qui sera examiné à l'automne, mais s'est limité à constater «que l'état de cessation des paiements n'est pas démontré» pour ses sociétés.
Le tribunal retient en effet que le rejet du plan initial, qu'il avait lui-même approuvé en juin 2017, «ne met pas fin à la procédure de sauvegarde et, qu'en conséquence les dettes nées antérieurement à l'ouverture de la procédure sont gelées tant que la procédure perdure», selon la décision consultée par l'AFP.
«Il a gagné du temps»
«Je suis extrêmement heureux pour au moins trois raisons», a déclaré M. Tapie à l'AFP. «La première, c'est que, même lorsque la situation incite la justice à vous être défavorable, vous tombez toujours, à un moment ou à un autre, sur des magistrats qui n'ont à coeur que de respecter le droit, rien que le droit».
«Quelle que soit la somme au final à rembourser, j'ai mis en place des garanties incontestables, qui permettent d'aller au bout de ce remboursement», a-t-il ajouté.
«Et surtout, je suis tellement heureux par rapport à La Provence», qui «fait un travail incroyable et qui va pouvoir continuer à travailler dans la sérénité», s'est-il encore réjoui.
«La situation de Bernard Tapie n'a pas bougé : il a gagné du temps mais pas de nouveaux moyens de paiements», a réagi le CDR (Consortium de réalisation), l'entité chargée de gérer le passif du Crédit lyonnais et dont l'Etat est l'unique actionnaire.
«Ses sociétés sont dans une situation objective telle qu'il n'y a pas de possibilité de présenter un nouveau plan de sauvegarde crédible», a-t-il ajouté. «La liquidation est donc inévitable et incontournable, ce n'est qu'une question de temps», selon le CDR.
Le montant que Bernard Tapie aura réellement à payer fait aussi l'objet d'un bras de fer judiciaire : le CDR, qui estime devoir recevoir les 404 millions d'euros plus les intérêts générés jusqu'à fin 2015, a lancé un recours contre une décision qui a raboté sa créance de 117 millions d'euros.
Le jugement du tribunal de commerce de juin 2017 ayant approuvé le plan initial fait par ailleurs l'objet d'une procédure pénale, depuis l'ouverture par le parquet de Paris d'une information judiciaire pour «escroquerie».