Moins d'hospitalisations, de prescriptions et de fraudes : l'Assurance maladie compte sur ses recettes habituelles pour économiser un peu plus de 2 milliards d'euros en 2019, et propose de lier certaines dépenses à la qualité des soins, comme le veut le gouvernement.
Un simple renouvellement d'ordonnance, avec un dosage ajusté : la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) vise 2,01 milliards d'euros d'économies en 2019, contre 1,94 milliard cette année, selon le rapport annuel «sur l'évolution des charges et produits» présenté jeudi à son Conseil, où siègent notamment syndicats, organisations patronales, mutuelles et associations de patients.
Ce document, dont l'AFP a obtenu copie, liste les mêmes «actions» et «leviers» de réduction des dépenses que les années précédentes.
La Cnam entend surtout serrer la vis sur la «pertinence» des soins, avec un objectif d'économies relevé de 510 à 655 millions d'euros, notamment sur le transport sanitaire (ambulances et taxis) et certains actes techniques (biologie et imagerie).
En revanche, pour les médicaments et dispositifs médicaux, la cible est légèrement abaissée, de 750 à 725 millions d'euros, malgré un nouveau «plan d'actions» visant les antidiabétiques et un recours accru aux génériques. «Ces économies n'incluent pas les actions sur les prix des produits de santé liées aux négociations» avec les industriels, souligne la Cnam.
Du côté des hôpitaux, l'objectif est aussi réduit, de 470 à 410 millions, en dépit d'une «accélération» de la chirurgie ambulatoire (sans nuitée) et des retours «précoces» à domicile, après un accouchement ou une opération.
Enfin, 220 millions d'euros d'économies sont attendus de la lutte contre «la fraude et les abus», un montant modéré au regard des 270 millions récupérés en 2017.
Ces mesures doivent permettre à l'Assurance maladie de limiter la progression de ses dépenses à 2,3% en 2019, soit environ 200 milliard d'euros, conformément aux prévisions du gouvernement.
Mieux et moins cher
La Cnam ouvre par ailleurs quelques pistes pour rémunérer médecins libéraux et établissements de santé en fonction de critères de qualité.
Par exemple, pour la chirurgie du cancer du sein, en relevant de trente à cent cinquante opérations par an et par établissement le seuil minimum pour obtenir une autorisation d'activité, quitte à la répartir entre plusieurs hôpitaux et cliniques.
A l'appui de cette proposition, un constat implacable : plus un établissement pratique cet acte, plus ses patientes voient augmenter leurs chances de survie.
Cela vaut aussi pour la chirurgie du cancer de l'ovaire, pour laquelle l'Assurance maladie propose d'instaurer un seuil de 20 actes par an.
Des suggestions opportunes alors que l'exécutif a fait de la qualité des soins une des priorités de sa future «transformation» du système de santé, annoncée en février. «Une réforme en profondeur pour répondre aux difficultés», qui sera détaillée «dans le courant de l'été», a assuré lundi la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ancienne présidente de l'Institut national du cancer.
L'occasion aussi pour la Cnam de relancer la réflexion sur les antidépresseurs, «probablement trop fréquemment prescrits de manière inadéquate».
En 2016, 2,6 millions de Français sans maladie psychiatrique lourde ou chronique en ont consommé au moins trois fois, pour un coût total de 2,4 milliards d'euros.
«Beaucoup de cas correspondent à des épisodes dépressifs légers pour lesquels le traitement médicamenteux ne doit pas être systématique», affirme l'Assurance maladie, qui teste depuis fin 2017 la prise en charge de séances de psychothérapie dans quatre départements (Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Landes, Morbihan).
Sans attendre les résultats de cette expérimentation au long cours, la Cnam souhaite pousser les médecins à mieux prescrire les antidépresseurs : pour éviter les traitements inutiles, les praticiens recevraient une prime financière en fonction du nombre de patients respectant la durée recommandée de traitement, d'au moins six mois.