La police des polices s'est lancée mardi dans un exercice inédit de transparence en avançant un chiffre des personnes tuées ou blessés lors d'interventions policières, soit 14 tués et une centaine de blessés depuis juillet 2017.
«Ce recensement n'est pas le recensement des bavures policières», a prévenu d'emblée la chef de l'IGPN, Marie-France Monéger-Guyomarc'h lors d'une conférence de presse consacrée au bilan 2017 de l'inspection générale de la police nationale (IGPN).
Selon des chiffres provisoires, quatorze personnes ont trouvé la mort lors d'interventions policières et une centaine de personnes ont été blessées avec plus de huit jours d'incapacité de travail, depuis juillet 2017.
Ces chiffres s'appuient sur une collecte de données parcellaires puisque, de juillet 2017 à janvier 2018, elle a été réalisée avec les seules données de l'IGPN et celles de deux directions départementales de sécurité publique (Gironde et Yvelines). La collecte de données s'est ensuite généralisée à partir de janvier. Ces chiffres sont toutefois «pratiquement exhaustifs», souligne l'IGPN.
La publication d'un tel recensement constitue une première pour l'institution qui a pu longtemps percevoir la diffusion de telles données comme «un risque», observe Sebastian Roché, directeur de recherches au CNRS et auteur de «La police en démocratie».
«C'est indéniablement un progrès», salue-t-il. «C'est la première fois que sont donnés de tels chiffres. Ce n'est pas une révolution mais une évolution», assure Marie-France Monéger-Guyomarc'h qui quittera prochainement ses fonctions. «Cela ne préjuge pas de l'illégitimité de ces blessures et de ces morts», a aussi souligné Mme Monéger-Guyomarc'h. «Mais dans une démocratie, il n'est pas anormal que l'on puisse savoir combien de tués sont recensés en intervention de police».
«Rien à cacher»
Dans le détail, sur les 14 décès constatés depuis le 1er juillet 2017, quatre concernent des personnes s'étant suicidées ou étant décédées en ayant pris la fuite lors d'une intervention de police. D'autres cas concernent des personnes tuées alors qu'elles venaient de commettre une action terroriste, comme l'assaillant de la gare Saint-Charles en octobre à Marseille ou celui du quartier de l'Opéra à Paris en mai.
S'agissant des blessés, l'IGPN a recensé une centaine de blessés dont l'incapacité temporaire de travail (ITT) dépasse les huit jours, un seuil assumé par l'IGPN, «à partir duquel il est intéressant de commencer à travailler».
Les deux-tiers d'entre eux se sont vus délivrer des ITT comprises en 10 et 29 jours, détaille encore la patronne de l'IGPN, soulignant la faiblesse du nombre de blessés survenus lors d'opérations de maintien de l'ordre, pourtant souvent les plus médiatisés. «Il nous faudra faire des comparaisons avec des pays équivalents», ajoute-t-elle.
«Cette publication est une bonne chose car c'est dans un souci de transparence. On n'a rien à cacher. Ca va éviter les fantasmes, les "fake news" et les campagnes de dénigrement», commente Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat, Synergies-officiers.
Sur fond d'accusations récurrentes de hausse des violences policières alimentées par les images de manifestations violentes ou l'affaire Théo - jeune homme d'Aulnay-sous-Bois grièvement blessé en février 2017 dans la zone anale par une matraque télescopique lors d'un contrôle - la police a considéré que l'absence de données publiées devenait contre-productive alimentant «déclarations fantaisistes ou malveillantes».
Le «manque de transparence» des autorités avait fait en 2016 l'objet d'une campagne de mobilisation très médiatisée d'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat). Dans la ligne de mire de l'ONG: l'utilisation des lanceurs de balles de défense, les pistolets à impulsion électrique ou certaines techniques d'immobilisation.
«L'institution commence à être capable de rendre publiques des informations sur ce qui est essentiel. Et l'un des objectifs essentiels de la police est d'arriver à ne pas tuer ou blesser», souligne Sebastian Roché.