La métropole et la ville de Lyon, fief du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, ont-elles financé la campagne d'Emmanuel Macron ? Après une plainte d'élus de droite, le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics.
Celle-ci, confiée à la police judiciaire, vise également des faits présumés de financement irrégulier de campagne électorale, abus de biens sociaux et recel, a précisé à l'AFP une source proche de l'enquête.
Le maire de Caluire Philippe Cochet, président du groupe LR à la métropole, et son homologue à la ville, Stéphane Guilland, avaient annoncé la semaine dernière avoir saisi le procureur de la République après plusieurs mois d'opposition avec l'exécutif LREM local.
Selon leur plainte déposée contre X, «des moyens publics (humains, matériels et financiers) sous le contrôle de la ville et de la métropole de Lyon», que dirigeait M. Collomb avant d'entrer au gouvernement, auraient été "indûment détournés et mis à disposition» du futur président.
«Il n'y a rien de nouveau dans ces informations dont le seul objet est de jeter le discrédit. La plainte des élus Les Républicains de Lyon reprend une polémique que l'opposition locale tente d'alimenter depuis plusieurs mois. La collectivité a eu l'occasion de leur répondre dans le détail à plusieurs reprises», avait-on rétorqué dans l'entourage du ministre la semaine dernière.
Les réponses apportées par le successeur de Gérard Collomb à la métropole, David Kimelfeld, n'ont pas convaincu les plaignants dont les griefs remontent à une importante réception organisée le 2 juin 2016 à l'Hôtel de Ville de Lyon, où l'actuel ministre de l'Intérieur avait reçu le ministre de l'Économie d'alors, Emmanuel Macron, deux mois après le lancement d'En Marche !.
«Coup de main»
La veille, M. Cochet avait dénoncé «une opération de +fundraising+ en vue de la prochaine présidentielle» et souligné que les élus d'opposition n'avaient pas été conviés à cette rencontre avec les «forces économiques et créatives» du territoire.
«Tout le monde savait déjà que Macron serait candidat, des gens de chez nous avaient été reçus à Bercy pour discuter d'un grand rassemblement de la droite et du centre. Et Collomb avait dit qu'il voulait lui donner "un coup de main"», abonde aujourd'hui une source LR.
La mairie mit de fait les petits plats dans les grands et on se bouscula dans ses salons pour voir M. Collomb accueillir son «cher Emmanuel» : un millier d'invités et presque autant de participants, dont les plaignants n'ont jamais pu obtenir la liste ; plus de 19.000 euros de frais, principalement pour le buffet et la sonorisation des lieux, confiés à un traiteur et une société d'événementiel - GL Events - bien connus sur la place.
Dans leur plainte, les élus estiment que M. Macron a bénéficié «d'une mise à disposition gratuite» de locaux publics «à des fins électorales et partisanes», alors que la campagne présidentielle était «juridiquement ouverte» ; et que les collectivités lyonnaises, en payant les factures, ont financé un candidat alors que le code électoral l'interdit aux personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques.
Mise en cause également, «la situation particulière» de Jean-Marie Girier, ancien chef de cabinet de M. Collomb à Lyon, qui a joué un rôle actif dans la campagne de M. Macron avant de rejoindre le ministère de l'Intérieur.
M. Girier a bénéficié d'un temps partiel au cabinet de la métropole à partir d'octobre 2016, puis il a mis fin à ses fonctions en décembre pour devenir directeur de campagne en janvier 2017.
Mais les plaignants affirment, documents à l'appui, que son implication au sein d'En Marche! a commencé bien avant: un cumul de fonctions «juridiquement interdit» selon eux, qui masquerait un emploi «partiellement ou totalement fictif» au sein de la collectivité «selon les périodes». L'enquête devrait notamment se pencher sur les prises de congés de M. Girier.
Les élus LR s'interrogent enfin sur une utilisation des locaux parisiens de la métropole lyonnaise durant la campagne de M. Macron et entre les deux tours.