Terminus au Parlement pour le toujours contesté projet de réforme ferroviaire, mais la grève se poursuit : l'Assemblée a adopté en dernière lecture le projet de loi mercredi, avant le Sénat jeudi, alors qu'au même moment l'intersyndicale appelait les cheminots à poursuivre la mobilisation, déjà la plus longue depuis trente ans.
Le vote a été acquis à l'Assemblée à une très large majorité de 452 voix contre 80, et 27 abstentions. Le projet de loi «pour un nouveau pacte ferroviaire» prévoit de transformer la SNCF en société anonyme, de fixer le calendrier de l'ouverture à la concurrence prévue au niveau européen et de supprimer l'embauche au statut dans l'entreprise historique.
Outre la majorité LREM-MoDem et les UDI-Agir, les trois quarts des LR ont voté pour. Les groupes de gauche (socialistes, communistes et Insoumis) et les élus FN se sont prononcés contre.
La ministre des Transports Elisabeth Borne a assuré avoir «mené cette réforme avec détermination et dans un esprit de dialogue», critiquant ceux cherchant à «nourrir les colères».
Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, a lui plaidé sur franceinfo que «la grève avait pour objectif de modifier ou pour certains de rejeter cette loi, cette loi a été adoptée par le Parlement donc oui, cette grève doit s'arrêter».
En forme de baroud d'honneur, les communistes ont défendu une motion de rejet contre un texte qui permettra selon Fabien Roussel de «revendre notre grande entreprise publique à la découpe». La réforme "coûtera des défaites électorales" au pouvoir en place, a lancé l'Insoumis Alexis Corbière.
Egalement contre la réforme, Olivier Faure, numéro un du PS, a accusé le gouvernement d'avoir "tout fait pour attiser les tensions".
Le texte a été retouché depuis trois mois dans les deux chambres, sur fond de concertations avec les syndicats, avec de nouvelles garanties pour les salariés du groupe ferroviaire et un recours moindre qu'annoncé aux ordonnances.
L'adoption définitive jeudi au Sénat, à majorité de droite, ne sera qu'une formalité, après l'accord députés-sénateurs sur une version commune du texte lundi en commission mixte paritaire. La gauche a critiqué "un pacte LR-LREM" au détriment des cheminots.
- mobilisation le 28 juin -
S'il a salué des "avancées", Jean-Marie Sermier (LR) a jugé la réforme "loin d'une révolution".
"Transformer la SNCF, beaucoup s'y sont essayés" et "le gouvernement a trouvé un chemin", selon le rapporteur Jean-Baptiste Djebbari (LREM).
Au moment même du vote au Palais Bourbon, l'intersyndicale de la SNCF (CGT, Unsa, SUD, CFDT) a appelé les cheminots à poursuivre la grève et à se mobiliser "massivement" le 28 juin, dernier jour du calendrier fixé pour des arrêts de travail deux jours sur cinq.
La date coïncidera avec un appel des centrales CGT, FO et des organisations de jeunesse UNL et Fidl à une journée de mobilisation avec des "initiatives" sur tout le territoire, pour la défense des étudiants, travailleurs, chômeurs et retraités.
Le secrétaire général de la CGT-cheminots Laurent Brun veut le 28 juin "affirmer que (les agents SNCF) restent déterminés si le gouvernement joue le jeu irresponsable du pourrissement".
Il a aussi prévenu que si la réunion vendredi patronat-syndicats-gouvernement sur la future convention collective du secteur ferroviaire était "improductive, de nouvelles mobilisations seront programmées". Cette convention remplacera le statut des cheminots à partir du 1er janvier 2020 pour les nouveaux embauchés.
La grève s'est poursuivie mercredi pour son 30e jour, avec deux TGV sur trois, trois Transilien sur cinq, un TER ou Intercités sur deux en moyenne, et devrait donc reprendre dimanche. Mais la mobilisation a atteint son niveau le plus bas, avec 12,78% de grévistes recensés dans la matinée par la direction.
S'ajoutant à ces perturbations, une panne "exceptionnelle" de signalisation a paralysé une grande partie de la matinée tout le trafic à la gare de Paris Saint-Lazare, la deuxième gare française en terme de trafic.
Depuis le début de la semaine, les appels à cesser la grève se multiplient. Les syndicats "doivent mesurer leur responsabilité s'agissant de tous ceux qui vont passer le baccalauréat" la semaine prochaine, a lancé Edouard Philippe mardi. "Le gouvernement a pris ses responsabilités, en indiquant que l’État reprendrait 35 milliards d’euros de dette", a plaidé le Premier ministre.
La CFDT-Cheminots (4e syndicat) avait appelé mardi à suspendre le conflit durant la période du baccalauréat (18 au 25 juin inclus), du moins sur les TER et RER. La semaine dernière, l'Unsa-ferroviaire (2e syndicat) avait proposé vainement à l'intersyndicale de "mettre la grève entre parenthèses".