«Ni abaisser certains, ni élever d'autres» : Édouard Philippe a défendu le projet de révision constitutionnelle, présenté mercredi en Conseil des ministres et critiqué par les oppositions, dont LR, comme porteur d'un affaiblissement du Parlement.
Déclinant des engagements de campagne d'Emmanuel Macron, le projet de loi constitutionnelle «pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace» prévoit dans ses 18 articles de supprimer la Cour de justice de la République, permettre des différenciations territoriales plus poussées, ou encore - volet le plus contesté - d'accélérer la procédure parlementaire d'adoption des textes.
L'autre volet de la réforme des institutions, avec les mesures emblématiques prévoyant la réduction du nombre de parlementaires, la limitation des mandats dans le temps et l'introduction d'une dose de proportionnelle aux législatives, est attendu dans deux semaines en Conseil des ministres, via des projets de loi organique et ordinaire.
L'objectif «n'est pas de transformer les équilibres issus de la Ve République» mais «d'avoir une forme d'efficacité réciproque entre le Parlement et le gouvernement», a assuré le chef du gouvernement au sortir du Conseil des ministres. Pas question «ni d'abaisser certains ni d'élever d'autres».
Mais selon le président LR du Sénat Gérard Larcher, cette réforme constitue «une forme de mise sous tutelle du pouvoir législatif».
«Je demeure ouvert à une réforme utile pour la France» mais pas «au détriment des droits du Parlement», «cela n'est pas négociable», a-t-il lancé, prévenant qu'«affaiblir le Parlement, c'est risquer de déplacer le débat dans la rue».
Pas des «Blanche Neige»
«Le gouvernement nous prend-il pour des Blanche Neige» prêtes à croquer «la pomme» renfermant «la mort de la démocratie ?», s'est insurgée la sénatrice communiste Cécile Cukierman dans un communiqué.
Au côté d’Édouard Philippe, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a défendu le projet de loi, qu'elle portera en première lecture à l'Assemblée fin juin-début juillet, assurant qu'il «peut répondre à des attentes profondes de nos concitoyens» et n'est «pas un texte dans lequel les politiques viennent parler aux politiques».
Toute révision constitutionnelle nécessite l'adoption du même texte par l'Assemblée et le Sénat, puis un vote à une majorité des 3/5e des suffrages exprimés du Parlement en Congrès. L'autre option est le référendum, mais seulement après le vote conforme par les deux assemblées. L'ensemble de la réforme doit être parachevée en 2019.
Alors que chez LREM monte un procès en «duplicité politique» du président du Sénat, qui fait du «bonneteau» selon un responsable, Gérard Larcher, entouré de responsables de sa majorité de droite et du centre, a estimé que «si les choses ne devaient pas aboutir, la responsabilité ne sera pas ici».
«Le pouvoir constituant appartient au Parlement et à lui seul», a averti le premier des sénateurs remonté contre une mesure de l'avant-projet de loi ordinaire prévoyant un renouvellement intégral (et non par moitié) du Sénat dès 2021, «contraire à la Constitution» d'après lui.
Le Sénat est «un interlocuteur de bonne volonté et constructif», assure l'influent président de sa commission des Lois Philippe Bas (LR), futur rapporteur du texte.
La première lecture au Sénat devrait intervenir à la rentrée, peu avant les 60 ans de la Constitution de la Ve République.
A l'Assemblée, les Insoumis ont épinglé un «rafistolage supplémentaire d'une Constitution» qui «sacralise la monarchie présidentielle», lors d'un débat sur les institutions organisé mercredi après-midi à l'initiative de la gauche de la gauche.
«Un compromis est possible si, comme lors de la réforme de 2008, les débats permettent de largement amender le texte», estiment pour leur part les députés MoDem.
«Depuis le début, la réforme n'est pas gagnée», observe une source parlementaire, mais «il y a des sujets actés - proportionnelle, non-cumul - et on a cheminé», sans «durcissement».
Du côté de la droite sénatoriale, «sous couvert de rondeur, il n'y a pas spécialement envie de faire de cadeau politique», juge un «marcheur» familier du Palais du Luxembourg.