L'organisation séparatiste basque ETA a annoncé avoir «dissous toutes ses structures» et «mis fin à sa fonction» après des décennies d'attentats meurtriers, dans une lettre datée du 16 avril publiée mercredi par le journal en ligne espagnol eldiario.es.
«L'ETA a décidé de mettre fin à son cycle historique et à sa fonction, mettant un terme à son parcours. En conséquence, l'ETA a dissous complètement toutes ses structures et considère son initiative politique terminée», affirme cette lettre écrite en basque et portant l'emblème de l'organisation, un serpent enroulé autour d'une hache.
Un membre du gouvernement basque a déclaré à l'AFP que cette lettre n'était pas encore l'annonce définititive de la dissolution de cette organisation considérée comme terroriste par l'Union européenne. Il a précisé attendre cette annonce pour jeudi, vraisemblamement sous la forme d'une vidéo envoyée à la BBC.
«Cette une lettre que l'ETA a envoyée à des personnalités et des organisations qui ont participé il y a sept ans à la déclaration de Aiete», une initiative internationale qui a débouché en octobre 2011 à l'abandon définitif de la violence par l'organsiation clandestine, a expliqué cette source.
Elle est destinée à assurer à ces personnalités, dont l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, que sa décision de se dissoudre est ferme, a-t-il ajouté.
L'ETA, formée en 1959 sous la dictature de Francisco Franco, a fait au moins 829 morts et des milliers de blessés dans une campagne d'attentats en Espagne et en France pour l'indépendance du Pays basque et de la Navarre de 1968 à 2010.
Dans sa lettre, l'ETA affirme que Euskal Herria, le territoire dont elle réclame l'indépendance, reste "en conflit avec l'Espagne et la France". "Le conflit n'a pas commencé avec l'ETA et ne se termine pas avec la fin du parcours de l'ETA", affirme-t-elle.
Un mea culpa en amont
L'organisation clandestine basque ETA avait reconnu le «mal» qu'elle a causé pendant sa lutte armée pour l'indépendance du Pays basque et demandé pardon aux victimes, dans un communiqué publié le 20 avril par le journal basque Gara.
«Nous avons causé beaucoup de douleur et des dommages irréparables. Nous voulons manifester notre respect aux morts, aux blessés et aux victimes des actions de l'ETA... Nous le regrettons sincèrement», avait écrit l'ETA (Euskadi Ta Askatasuna ou Patrie et Liberté en français) dans un communiqué historique, publié à l'approche de la dissolution annoncée de ce groupe qui a tué plus de 800 personnes en plusieurs décennies de lutte contre l'Etat espagnol.
Le communiqué s'adressait ensuite directement aux «victimes qui n'avaient pas de participation directe au conflit», c'est-à-dire ces civils qui n'étaient ni élus, ni policiers, ni gardes civils, et leur demandait pardon plus directement : «Nous demandons pardon à ces personnes et à leurs familles. Ces mots ne résoudront pas ce qui s'est passé ni n'atténueront pas tant de douleur. Nous le disons avec respect, sans vouloir provoquer plus d'affliction».
Cette demande de pardon et la dissolution à venir, permettra, espéraient les proches de détenus membres de l'ETA, une évolution de la politique pénitentiaire de l'Espagne et de la France, passant par un rapprochement des détenus dans des prisons près de chez eux et des libérations conditionnelles pour ceux n'ayant pas commis de crimes de sang. La fin de l'ETA pourrait aider aussi la gauche séparatiste basque, qui affronte de nouvelles élections municipales en 2019.
L'ETA, créée en pleine dictature franquiste, a tué 829 personnes au nom de son combat pour l'indépendance du Pays basque et de la Navarre, selon les autorités.
Elle a aussi fait des milliers de blessés dans des attentats à la bombe au Pays basque, dans le reste de l'Espagne et en France, orchestré des enlèvements, racketté des chefs d'entreprise, des actions qui se sont intensifiées dans les années 1980 et 1990, après le retour de la démocratie en Espagne.
Cette période sombre, marquée par des actions presque quotidiennes, s'est accompagnée d'exécutions extrajudiciaires et de tortures contre des membres de l'ETA et des sympathisants attribués à des commandos parapoliciers.
«Regrets» et «Pardon»
Jamais l'organisation n'avait présenté des regrets de cette nature.
Mais son communiqué n'évoquait que des «regrets» (et pas une demande de pardon) pour les victimes impliquées dans ce qu'elle qualifie de «conflit», comme les Gardes civils ou les policiers.
«Je trouve honteux et amoral que l'on fasse cette distinction entre ceux qui méritaient une balle dans la nuque, la bombe sous la voiture et ceux qui ont été victimes par hasard», avait réagi Maria del Mar Blanco, de l'Association des victimes du terrorisme (AVT).
Ce communiqué «ne répond absolument pas à nos attentes», avait ajouté cette élue du Parti populaire (PP) dont le frère, Miguel Angel Blanco, fut tué en 1997 après un enlèvement suivi par toute l'Espagne.
L'association exigeait aussi que l'ETA assume ses «responsabilités individuelles» de sorte que les crimes non résolus puissent être éclaircis.
Le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, qui a systématiquement refusé, depuis 2011, toute négociation avec le groupe armé et exigé sa dissolution sans contrepartie, avait pour sa part célébré la victoire de l'Etat de droit.
«Ce n'est qu'une nouvelle conséquence de la force de l'Etat de droit qui a vaincu l'ETA avec les armes de la démocratie», déclarait-il dans un communiqué. «Cela fait très longtemps que l'ETA aurait dû demander pardon».
Le gouvernement estimait «bien» que l'ETA demande pardon, «parce que les victimes, leur mémoire et leur dignité ont été déterminantes dans la défaite de l'ETA».
Après plusieurs tentatives infructueuses de négociations et alors que la société basque condamnait de plus en plus ouvertement cette violence, l'organisation a renoncé à la lutte armée en octobre 2011. Elle a déposé les armes en 2017 en remettant une liste de caches à la justice française.
L'ETA compte environ 300 membres emprisonnés en France, en Espagne et au Portugal, 85 à 100 en fuite et une douzaine de personnes «expulsées par la France, sans papiers, vers l'Afrique ou l'Amérique latine» selon le Forum social, organisation proche des familles de prisonniers.
Selon le groupe international de contact (GIC), composé d'experts en résolution de conflit, associé au processus de dissolution, l'annonce de sa disparition devrait se produire au début du mois de mai.