Deux universitaires ont analysé comment la transformation de la ville de Marseille et l'arrivée de nouveaux habitants pouvait peser sur le parler local de la cité phocéenne, quitte à lisser son accent emblématique.
Ces deux sociolinguistes, Médéric Gasquet-Cyrus et Jean-Michel Géa ont observé pendant cinq années le langage des habitants de Marseille à travers le prisme de la transformation de la ville. Selon leur étude, révélée par La Provence, l'évolution du parler marseillais est en effet liée à l'urbanisme.
La ville se métamorphose depuis plusieurs années, de nombreux quartiers sont réhabilités, comme les anciens docks ou le quartier Euroméditérannée, pour rendre la ville plus attractive et attirer une nouvelle population.
Le numéro 162 de la revue «Langage et Société», intitulé «Marseille entre gentrification et ségrégation langagière», s'est alors intéressé à ces nouveaux arrivants, les «néo-Marseillais», pour mieux comprendre les mutations du langage.
Le stéréotype du «néo-marseillais»
Cette vague de nouveaux habitants est «attirée par le mode de vie méditerranéen, la mixité et le développement de la ville (...) Ils ont une vision très positive de Marseille, mais leur réseau social est prioritairement tourné vers d'autres néo-Marseillais», explique à La Provence Médéric Gasquet-Cyrus.
Les deux universitaires décrivent un profil proche de l'archétype de «bobos parisiens», issus de classes moyennes ou supérieur, travaillant dans un secteur plutôt créatif (culture, graphisme, communication) et surtout mobiles. Ayant voyagé dans d'autres villes ou d'autres pays, leur accent s'en trouve «neutralisé».
Leurs langages, s'influencent dans les deux sens, sans que l'un prenne le dessus, faisant naître alors un tout nouveau parler marseillais, symbiose entre les expressions caractéristiques de Marseille, et un parler plus lissé. Les «néo» s'approprient les régionalismes, prononçant ainsi le fameux «Dégun» (qui signifie «personne») en «dégain».
«Nous ne sommes ni de ceux qui ont un discours alarmiste et nostalgique, en disant que l’accent disparaît, ni des militants qui disent qu’on est envahis par les Parisiens», prévient Médéric Gasquet-Cyrus, un des auteurs de l’étude.
Pour autant, l'accent marseillais reste bien ancré dans la culture populaire de la cité phocéenne, que ce soit dans les films de Marcel Pagnol ou les émissions de télé-réalité.