«Se faire tuer comme ça, c'est encore pire qu'à Marseille» : dix jours après le meurtre particulièrement violent de l'ancien champion de France de boxe thaï Amadou Ba, l'effroi le dispute encore au chagrin à Créteil, en banlieue parisienne.
Mardi 4 avril, 22H00 passées. Sorti du gymnase après y avoir donné un cours, le boxeur est seul au volant de sa voiture lorsqu'un autre véhicule lui barre la route, dans une zone commerciale de petite couronne, à la frontière entre Créteil et Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne).
Les agresseurs mettent pied à terre : l'un d'eux tire sur le sportif pendant que les autres cassent les fenêtres. Ils le traînent hors de l'habitacle et le frappent à coups de battes, avant de fuir. Touché par six balles, selon le parquet, le boxeur décède à l'hôpital.
«Ils se sont acharnés», confie à l'AFP un chauffeur de taxi. Arrivé à la toute fin de la scène, ce quadragénaire place la victime «en PLS» (position latérale de sécurité). Mais, sous «le visage en sang, martelé», il n'a «pas reconnu» son ami de presque 20 ans, Amadou Ba. Ce n'est qu'en apprenant sa mort le lendemain qu'il comprend à qui il a porté secours.
Au premier abord, la violence employée laisse songer aux méthodes des milieux criminels.
«Amadou n'a jamais été impliqué dans aucune sorte de trafic, c'était un homme droit», assurent ses deux anciens entraîneurs, Nordine et Amar Mahmoudi, dans leur club de Bonneuil-sur-Marne.
Un portrait corroboré par le parquet de Créteil : Amadou Ba, 39 ans, était inconnu de la justice.
Dimanche 15 avril, un millier de personnes se sont rassemblées pour honorer sa mémoire lors d'une marche blanche dans les rues de la ville.
«Valeurs» du ring
Au club de Bonneuil, où il avait enfilé ses premiers gants en 1997, ses proches sont encore sonnés. «La manière dont il est mort, je ne souhaite même pas ça à mon pire ennemi», lâche l'un d'eux.
Entre les shorts brodés multicolores et les boucliers de frappe, certains se remémorent les bons moments: son titre de champion de France en 2005 et son tournoi en Thaïlande dans le style «Kard Chuek», avec pour seuls gants des cordes enroulées sur les mains et les avant-bras.
Tous décrivent un homme «discret et humble», capable de cumuler pendant des années ses entraînements avec deux emplois: livreur de journaux tôt le matin, et agent de sécurité pour la mairie de Créteil. «Je n'ai su qu'il était champion de France que trois ans après l'avoir rencontré», raconte Jimmy, un autre ami.
«Il appliquait les valeurs apprises sur le ring dans sa vie : le respect, la sagesse, la maîtrise de soi», se souvient Habib Namaoui, un ingénieur de 58 ans qui l'a aidé à se préparer pour plusieurs combats.
«Amadou pouvait traverser la France entière pour emmener les jeunes aux compétitions, toujours avec le sourire», témoigne Filipe Da Silva, avec qui il avait fondé en 2005 le club Magic Créteil, dans le quartier populaire du Mont-Mesly.
Alors, comment expliquer un tel déferlement de violence ? L'enquête a été confiée à la Brigade criminelle de la police judiciaire de Paris. Les proches du boxeur veulent «laisser la justice faire son travail» et le parquet dit examiner toutes les hypothèses: du règlement de comptes au simple différend routier. «Aucune piste n'est privilégiée», souligne-t-il.
A Bonneuil, les membres de son ancien club s'organisent désormais pour prêter main forte et maintenir les enseignements du Magic Créteil : «Hors de question que les gamins tombent dans la rue».