Barricades enflammées, tranchées et tirs de lacrymogènes... Le «retour à l’État de droit» promis par le gouvernement tarde à se concrétiser sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), en proie à des affrontements quotidiens depuis le début des expulsions.
Force est de constater que la ZAD a rarement autant ressemblé à la «zone de non droit» décrite par le gouvernement que depuis le début de l'opération d'expulsion.
«La Zad s'était vidée de gens un peu violents. Cette intervention a fait revenir des loustics professionnels», raconte Franck, 57 ans, un cheminot en retraite venu d'Indre-et-Loire en tant que sympathisant. «Ils n'ont rien appris de l'opération César», l'opération manquée d'évacuation de la ZAD en 2012, estime-t-il à propos des autorités.
Les zadistes «ont obtenu un certain nombre de renforts», a d'ailleurs reconnu vendredi le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie.
«Nous étions en début de semaine à 250 personnes présentes sur la zone. (Jeudi) soir nous avions 700 personnes en face de nous, notamment des gens extrêmement violents, de l'ultra-gauche, certains black-blocs sont présents ici. Le seul objectif c'est de casser, de casser du gendarme, de blesser, d’agresser, de vandaliser», a-t-il ajouté.
«Le mouvement était en train de s'entre-déchirer, mais Macron nous a offert la victoire. Les gendarmes, c'est ça qui nous réunit», affirme de son côté un zadiste, Claude Montemaggi, dit «Tonton des Planchettes».
«Électron libre» et «insatisfait de la ZAD», il se réjouit cependant de la «deuxième chance» offerte par les expulsions. «Je ne sais pas ce qu'il croit Macron, mais le zadiste, tu le sors par la porte, il rentre par la fenêtre», assure-t-il, en saluant «cette occasion inespérée d'être unis ensemble».
Cheveux blancs et fort accent marseillais, ce sexagénaire fait partie des premiers expulsés de la ZAD. Réveillé très tôt lundi matin, «je me suis retrouvé comme Ginette dans "Le Père Noël est une ordure, avec toute ma vie dans un caddie : une guitare, un duvet, ma chienne et ses huit chiots», raconte cet ancien maçon, installé dans le bocage nantais depuis janvier 2013.
Enlisement ?
Depuis lundi, des affrontements à coups de cocktails Molotov, fusées et pierres d'un côté, lacrymogènes et grenades assourdissantes ou de désencerclement de l'autre, ont fait des dizaines de blessés.
La route départementale 81, qui traverse la ZAD et où l'on pouvait circuler normalement il y a encore une semaine, est désormais constamment encombrée de chicanes ou de barricades fumantes.
A deux reprises, vendredi et samedi matin, les gendarmes sont intervenus avec des véhicules blindés pour la dégager. Mais à peine étaient-ils partis que des barricades étaient immédiatement reconstruites, à l'aide de pneus ou de troncs d'arbres.
Des tranchées ont également été creusées sur le chemin de Suez, en plein cœur de la ZAD, pour empêcher le passage des blindés.
L'autre route traversant la ZAD, la RD 281, a été dégagée de ses chicanes par les opposants après l'abandon du projet d'aéroport en janvier. Contrôlée par les gendarmes, elle est toujours fermée à la circulation, ce qui oblige les riverains à faire de longs détours pour rejoindre leurs habitations.
L'électricité a en outre été coupée chez plusieurs riverains de la ZAD «car un transformateur se trouvait à proximité d'un squat, près duquel des opérations sont en cours», a indiqué la préfecture à l'AFP. «Des groupes électrogènes ont été mis en place dans l'urgence», a-t-elle ajouté, sans préciser le nombre de foyers touchés.
«Ce qui est triste, c'est qu'un dialogue était commencé, c'était loin d'être la seule solution cette intervention», confie un jeune pacifiste breton, une peau de mouton sur le dos, venu aider à évacuer les blessés sur le «champ de bataille».
«On va rentrer dans un cycle d'occupation, avec des escarmouches régulières, ça va s'enliser», estime Franck, «pas optimiste» pour l'avenir.