Paru ce jour, «Les leçons du pouvoir», retrace le quinquennat de François Hollande à l'Elysée vu par... François Hollande. Une véritable plongée dans les arcanes du pouvoir dans laquelle l'ex-président aborde différents moments marquants survenus durant l'exercice de son mandat tout en distillant, ici et là, de croustillantes anecdotes.
Quelques regrets
François Hollande formule deux principaux regrets dans son ouvrage. Le premier concerne la déchéance de nationalité visant les auteurs d’actes terroristes envisagée un temps, puis finalement abandonnée face à la controverse déclenchée. «Tel est mon regret: avoir sous-estimé l'impact émotionnel de la déchéance de nationalité. (...) Aujourd'hui encore, je suis sûr que notre démarche ne menaçait en rien les libertés publiques, pas plus que les principes d'égalité entre les citoyens. Mais en démocratie, il ne suffit pas d'avoir raison, il faut aussi convaincre».
S’il réaffirme et maintient le bien-fondé de la loi El Khomri, l’ancien secrétaire national du PS se livre à un exercice d’autocritique au sujet de la manière dont le texte a été adopté. « (…) Je reconnais néanmoins une erreur de méthode et de calendrier. Préparé dans une période où les attentats mobilisaient notre attention, le texte n'a pas fait l'objet d'une concertation suffisante. Sa présentation a été précipitée. Les mesures les plus discutables n'ont pas été expliquées avec la pédagogie nécessaire. (…)
Le double jeu de Macron
Amer avec celui à qui il a offert son premier poste gouvernemental (Emmanuel Macron a successivement été nommé secrétaire général adjoint de l’Élysée puis ministre de l’Economie), l ’ex-président n’épargne pas son successeur. Il jette une lumière crue sur son manque de transparence quant à son ambition de se présenter à l'élection présidentielle. Et Hollande de rappeler l’épisode du meeting de la Mutualité lors duquel, face à 3.000 partisans, Macron avait franchi une étape supplémentaire vers sa candidature qu’il a dissimulée jusqu’au dernier moment au président alors en place. «Je l'exhorte à démentir au plus vite la rumeur. Sa réponse est nette: il n'y aurait que “de la malveillance”. Et il ajoute dans son message: “Mes soutiens diront demain que le 12 (juillet 2016) ne sert ni à démissionner ni à annoncer ma candidature. Grotesque. Bises”. Mais à la Mutualité, en présence d'une foule qui scande des “Macron président!”, il s'écrie: “Plus rien n'arrêtera le mouvement de l'espoir. Nous le porterons ensemble jusqu'en 2017 et jusqu'à la victoire!” Le doute n'est plus permis, même s'il m'assure, imperturbable, qu'il n'a pas “personnalisé” la victoire, laquelle pourrait donc être la mienne. Toujours cette façon de nier l'évidence avec un sourire».
Les frondeurs dans le collimateur
Sans surprise, il n’épargne pas non plus les dizaines de parlementaires frondeurs du PS qui ont manifesté, à différentes reprises, leur désaccord avec les politiques menées par les trois Premiers ministres successivement nommés par François Hollande, à savoir Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. «Par leur virulence, leur insistance, leur dissonance, les frondeurs finissent par ébrécher la solidarité indispensable à toute pédagogie. Ils minent notre crédit politique et incitent une partie de la gauche, celle qui nous conteste depuis l'origine et qui a en fait rompu avec l'Europe, à entonner le grand air de la trahison, pour proclamer l'insoumission», écrit-il.
La générosité insoupçonnée de Poutine, le drôle de conseil à Trump
François Hollande dresse tour à tour les portraits des principaux chefs d’État occidentaux qu’il a fréquentés durant son mandat. On apprend ainsi comment Vladimir Poutine lui a confié une lettre de Napoléon rédigée pendant la campagne de Russie au nom de la réconciliation des deux pays. Une autre anecdote, relatant une rencontre entre les deux hommes, prête à sourire. «Mon regard se porte sur un sac isotherme qu'il tient à la main. Je découvre qu'il contient une bouteille de vodka qu'il veut nous faire partager, veillant à ce qu'elle soit à bonne température. [...] Il multiplie les toasts à la gloire de l'amitié franco-russe.», écrit Hollande.
Mais le plus drôle reste à venir quand Donald Trump, fraîchement élu, lui demande conseil pour des noms de collaborateurs susceptibles d’intégrer son administration. Surpris, Hollande lui soumet le nom d’Henry Kissinger, «encore plein de sagacité malgré ses 94 ans». «Un long silence suivit ma suggestion. Il comprit que j’avais compris. Nous n’irions pas plus loin.»
Son avenir
Bien qu’il reste évasif sur le sujet en prenant soin de ne rien dévoiler de ses ambitions, François Hollande ne masque pas sa volonté de prolonger son engagement dans la vie politique de son pays. Sans nécessairement exercer un mandat particulier ou d’occuper un rôle à haute responsabilité. «J'entends toujours faire de la politique. Je n'ai d'ailleurs jamais déclaré que j'y renonçais. Mais faire de la politique n'est pas forcément solliciter les suffrages, diriger un parti, ou préparer des échéances. (...) Ma vie nouvelle me laisse libre de défendre, au plus profond de moi-même, ce que je crois».