Le prélèvement à la source, qui entrera en vigueur en 2019, va révolutionner les habitudes fiscales des contribuables et les pratiques de l'administration. Voici les points marquants de ce chantier aussi stratégique que délicat pour le gouvernement.
Objectifs
Le prélèvement à la source, appliqué dans la quasi totalité des pays occidentaux, consiste à collecter l'impôt directement sur les revenus et non plus un an après leur versement, comme c'est le cas actuellement en France.
Ce mode de collecte permet d'ajuster automatiquement le niveau d'imposition aux variations de revenus, et d'éviter les difficultés rencontrées en cas de changement de situation (licenciement, retraite...).
Revenus concernés
Presque tous les revenus sont concernés : les traitements et salaires, les retraites, les revenus des indépendants, les revenus fonciers récurrents et les revenus dits de «remplacement», comme les allocations chômage.
Seuls les revenus des capitaux mobiliers et les plus values immobilières n'entrent pas dans le champ de la réforme : ces derniers, qui représentent 2% des revenus des contribuables, sont déjà prélevés à la source.
Calendrier
La réforme, repoussée d'un an par le gouvernement, entrera en vigueur au 1er janvier 2019. Mais les contribuables pourront prendre connaissance du taux auquel ils seront prélevés dès avril-mai, via leur déclaration de revenus 2017.
Des modifications pourront alors être demandées à l'administration. Le taux retenu sera confirmé dans les avis d'imposition envoyés à l'été, puis transmis aux collecteurs en octobre 2018.
Mode de collecte
Chez les salariés, l'impôt sera prélevé directement par l'employeur : il apparaîtra sur la fiche de paie au même titre que les cotisations sociales. Chez les retraités, la collecte sera réalisée par les caisses de retraite.
Les travailleurs indépendants verseront quant à eux un acompte mensuel ou trimestriel, calculé par l'administration en fonction de leurs revenus des mois précédents, puis ajusté selon leurs revenus effectifs.
Taux d'imposition
Le taux sera calculé par l'administration fiscale -- qui se chargera de le transmettre aux collecteurs -- sur la base des revenus de l'année précédente. Il sera actualisé chaque année, en septembre.
Le contribuable pourra demander une mise à jour de son taux d'imposition en cours d'année, pour que soit pris en compte les changements de situation familiale ou des variations importantes de revenus.
Confidentialité
En théorie, les employeurs ne recevront pas d'informations confidentielles sur leurs salariés. Mais les taux communiqués par le fisc pourront leur donner des indications sur l'état de leurs ressources (revenus fonciers, salaires des conjoints...)
Pour éviter cela, les contribuables pourront demander qu'un «taux neutre» leur soit appliqué. Si ce taux est inférieur au taux réel, le solde devra ensuite être payé directement au fisc.
Quotient familial
L'impôt continuera à être calculé au niveau du foyer fiscal -- ce qu'on appelle la «conjugalisation de l'impôt». Cela signifie que les deux membres d'un couple seront prélevés au même taux.
En cas de disparités de revenus, il sera possible d'opter pour des taux individualisés. Le conjoint le mieux payé sera alors prélevé à un taux supérieur, et l'autre à un taux inférieur.
Crédit d'impôt
Le passage au prélèvement n'empêchera pas de continuer à bénéficier de réductions ou de crédits d'impôts, liés par exemple à la rénovation énergétique de son logement ou à l'emploi d'une personne à domicile.
Comme aujourd'hui, ces crédits resteront perçus en septembre. Le gouvernement a toutefois décidé qu'un acompte de 30% serait versé chaque année pour les services à domicile ou les gardes d'enfant.
Année blanche
Les contribuables paieront leurs impôts 2018 sur les revenus de 2017, et les impôts 2019 sur ceux de 2019. Cela signifie que les revenus courants de 2018 ne seront pas imposés, ce qu'on appelle l'«année blanche».
Pour éviter les abus, Bercy a prévu plusieurs dispositifs, notamment pour les indépendants, qui disposent d'une marge de manoeuvre sur la date de perception de leurs revenus. Si ces derniers s'avèrent en 2018 supérieurs à ceux des trois dernières années, ils seront imposés sur ce surplus.
Déclarations de revenus
Le prélèvement à la source ne signifie pas la fin des démarches administratives. Les contribuables devront ainsi continuer de déclarer chaque année, au printemps, leurs revenus à l'administration.
Cette démarche permettra d'actualiser le taux de prélèvement, mais aussi d'intégrer les crédits d'impôt et revenus exceptionnels, pour que le fisc puisse rembourser les «trop perçus» ou réclamer les impôts manquants.