Des chrétiens et des musulmans main dans la main, figés dans la douleur, se recueillaient dimanche, deux jours après les attaques terroristes qui ont endeuillé le village de Trèbes et la ville voisine de Carcassonne.
En ce dimanche des Rameaux, les cloches de l'église gothique Saint-Etienne retentissent. Par centaines, les habitants de la commune et des environs affluent, rameaux d'olivier ou de laurier à la main, en se frayant un chemin parmi les dizaines de journalistes présents.
Des gendarmes lourdement armés patrouillent devant l'église et en gardent les accès tandis que des barrières sont installées pour tenir éloignée la presse des habitants pétris d'émotion.
Les yeux cachés derrière des lunettes de soleil, des proches de victimes se soutiennent les uns les autres. Une dame éclate en sanglots.
Des représentants de la communauté musulmane, qui ont tenu à s'associer à l'hommage aux victimes, s'engouffrent dans l'église, le visage marqué. «Votre présence nous dit que les fauteurs de haine ne gagneront pas», leur dit l'évêque de Carcassonne et Narbonne, Mgr Alain Planet, durant la messe.
«L'islam a été poignardé»
«La communauté (musulmane a été) poignardée, l'islam lui-même (a été) poignardé par des gens qui utilisent des symboles chers à nos coeurs. "Allah Akbar", c'est un symbole d'adoration de Dieu, ça veut dire Dieu est plus grand que la haine», a insisté l'imam de la mosquée du Viguier de Carcassonne, Mohamed Belmihoub, en sortant de l'église.
«On trouve pas les mots, on est bouleversés», a ajouté l'imam, venu «pour prouver que la France, c'est la maman de tout le monde. On fait partie de cette nation, c'est la France multicolore, multiconfession. Il faut que tout le monde se mette ça dans la tête. On est condamnés à vivre ensemble et à combattre ces brebis égarées».
Voilée et portant une abaya, Sarah, 23 ans, ancienne salariée de l'hypermarché de Trèbes où Radouane L. a achevé son équipée meurtrière vendredi, confie qu'elle craignait de venir, par crainte des «amalgames» mais a décidé de le faire car «c'était très important d'être là. J'ai connu les victimes».
«Dieu est pour tout le monde, on est tous des êtres humains, sa maison est ouverte à tous», a insisté de son côté Rabiha, Carcassonnaise de confession musulmane.
Un message oecuménique partagé par Solange, 81 ans : «Il faut une foi très profonde pour accepter tout cela, cette zizanie entre religions. C'est le même Dieu que nous adorons entre musulmans, chrétiens et juifs».
«Toute la France est malheureuse»
Sous un ciel gris mais lumineux et en dépit du froid, une centaine de personnes écoutent sur le parvis de l'église la cérémonie retransmise par haut-parleur, alors que le lieu de culte - qui peut accueillir jusqu'à 350 personnes - est plein à craquer.
«Tout le monde se connaît ici. C'est un petit village. Les personnes qui ont été tuées, c'était des amis», raconte Louis, retraité, les yeux embués par les sanglots derrière ses lunettes.
Mais au-delà de Trèbes, c'est «toute la France (qui) est malheureuse», martèle Emile Acco, peintre carrossier à la retraite, des rameaux d'olivier à la main. «On a envie que ça s'arrête».
«Tombé en héros», selon les mots d'Emmanuel Macron, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui s'est substitué à une otage retenue par Radouane L. dans le supermarché de Trèbes, a été au centre de l'hommage aux victimes.
«Au début de cette semaine sainte et au moment où nous regardons le Christ prendre notre place pour nous sauver de la mort, son geste prend un sens tout à fait particulier. Je suis certain que lui ne l'ignorait pas quand il a posé ce geste», a déclaré Mgr Planet.
«Il est éternel à jamais», a abondé l'imam Belmihoub. «Il y a des gens qui savent mourir en grand et des gens qui resteront des lâches à jamais. Vivants ou morts».