Le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe a adressé un courrier au président de l'Assemblée nationale et à la commission des lois, les exhortant à «rejeter» l'augmentation de la durée maximale de la rétention prévue dans le projet de loi «asile et immigration».
Dans une lettre, rendue publique mardi, le commissaire letton a écrit le 8 mars au président de l'Assemblée nationale François de Rugy et à la présidente de la commission des lois à l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, se disant «fortement préoccupé par l'augmentation de la durée maximale de rétention à 90 jours, pouvant être portée à 135 jours dans certains cas».
Dans ce texte, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe Nils Muižnieks «exhorte» les présidents de l'Assemblée et les parlementaires de la commission des lois «à rejeter» ce point du projet de loi.
«Je vous exhorte (...) non seulement à rejeter cette augmentation de la durée maximale de rétention administrative, mais aussi de mettre fin à la rétention des mineurs», qui s'est notamment traduite par la condamnation par 6 fois de la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) en 2012 et 2016, écrit le commissaire letton.
«La rétention est une atteinte considérable au droit des migrants à la liberté. Une telle durée tendrait à modifier la nature et la fonction de la mesure et à les assimiler à des délinquants», s'inquiète Nils Muižnieks. Il insiste sur les «effets néfastes sur la santé mentale, et tout particulièrement celle des enfants qui vivent souvent la rétention comme une expérience choquante».
Nils Muižnieks rappelle que le Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies a affirmé le droit de tout enfant «de ne pas être placé en détention pour des motifs d'immigration».
Des «alternatives à la rétention des majeurs»
Surveillance, signalement auprès des autorités, liberté sous caution: M. Muižnieks invite les parlementaires français à développer aussi des «alternatives à la rétention des majeurs».
Tout en saluant «un certain nombre de mesures visant à sécuriser le séjour des bénéficiaires», notamment la délivrance d'un titre de séjour de 4 ans, M. Muižnieks s'inquiète de la réduction envisagée de 120 à 90 jours du délai de dépôt des demandes d'asile, au-delà duquel celles-ci sont examinées en procédure accélérée.
«Si la volonté de raccourcir la durée globale de la procédure d'asile est un objectif louable, ceci ne doit pas se faire au prix d'une atteinte à l'effectivité de cette procédure», rappelle-t-il.
Les «nombreuses poursuites» qui ont visé en France ces deux dernières années des militants associatifs «pénalisant l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers» inquiètent aussi M. Muižnieks. Il invite les parlementaires à saisir l'occasion du débat pour réformer le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Cedesa), «afin que la nécessaire solidarité à l'égard des migrants ne soit plus dissuadée, ni entravée».