Perdu au milieu des champs du Jura, ce bâtiment anonyme est en fait une usine novatrice d'insectes comestibles, conçue par un groupe de construction spécialiste des livraisons clés en main en France comme à l'international.
L'édifice expérimental abrite en effet les opérations d'une start-up, Ynsect, qui élève des centaines de milliers de scarabées, destinés à être transformés en une farine d'insectes écologique. Aujourd'hui, cet ingrédient entre dans la composition de croquettes pour chiens, chats et poissons d'élevage. En attendant l'alimentation humaine.
Le «ver de farine» est la larve jaune orangée du «tenebrio molitor», ou ténébrion meunier, un petit scarabée noir très commun qui ne vole pas et se nourrit de farine de céréales. Ce ver est souvent utilisé comme appât de pêche.
Une fois broyé, il fournit une farine «très nutritive», explique le directeur commercial d'Ynsect, Benjamin Armenjon, en faisant visiter l'usine livrée en 2016 par le groupe avignonnais GSE.
Elevés dans des bacs, ces petits scarabées sont maintenus à une température constante de 26 degrés et 60% d'humidité, avant d'être mécaniquement triés et transformés selon un processus industriel protégé par une douzaine de brevets.
Il s'agit d'un marché émergent : l'Union européenne n'a autorisé dans l'aquaculture les farines d'insectes, jusque là réservées aux animaux domestiques, que le 1er juillet 2017. Une poignée de start-ups se livrent une course de vitesse. Spécialisé dans les mouches, le concurrent InnovaFeed a levé 15 millions d'euros pour produire 10.000 tonnes de farine au sein d'une usine à construire dans les Hauts-de-France ou dans l'Est.
Car sur un marché mondial de l'alimentation des animaux d'élevage de 480 milliards d'euros, en croissance de 8% à 10% par an, «il va manquer 3 millions de tonnes à l'horizon 2020-2022» pour nourrir les seuls poissons, indique M. Armenjon.
Et selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, la farine d'insectes, une nourriture bon marché, écologique et hyper protéinée, pourrait même être l'une des clés pour nourrir neuf milliards d'êtres humains en 2030. «Ce sera l'un de nos prochains marchés, avant dix ans», affirme Jean-Gabriel Levon, vice-président d'Ynsect.
Changements «au vol» pendant la construction
Fondée en 2011, Ynsect fabrique 400 tonnes de farine par an dans le Jura et veut multiplier par 50 cette production pour atteindre 20.000 tonnes dans une nouvelle usine en France, dont la localisation n'est pas encore arrêtée : celle de Dole aura joué le rôle de prototype et de vitrine à destination des clients de la société.
«Nous avons beaucoup apprécié la flexibilité de GSE, qui a accepté de faire des changements au vol pendant toute la construction, lorsque se posait un problème que nous n'avions pas pu anticiper, comme souvent dans l'innovation», relate M. Levon.
«Construits à partir d'une maquette numérique», les bâtiments construits par GSE font l'objet d'une «co-conception» avec ses clients, pour les espaces destinés aux équipes, explique le directeur général de GSE Roland Paul. «Un casque 3D leur permet de visualiser les changements souhaités».
A Dole, «les bureaux sont agréables, avec une alliance de bois et de métal, et nous avons une grande terrasse, une cuisine», souligne M. Levon.
Détenu majoritairement par le fonds d'investissement britannique Tower Brook Capital Partners, GSE s'enorgueillit de construire des bâtiments tertiaires «écologiques, économiques et confortables» : il vient de livrer, à Nantes, le premier bâtiment tertiaire labellisé «Passivhaus premium» en France.
Celui-ci revendique une consommation de chauffage inférieure à 15kWh par m2, soit 80% inférieure à la norme française RT2012, et produit plus d'énergie qu'il n'en consomme grâce à la centrale photovoltaïque posée sur sa toiture.
«Depuis trois ans, nous signons des contrats où nous nous engageons à ce que nos bâtiments aient de faibles consommations énergétiques, sous peine de pénalités», rapporte M. Paul.
Né en 1976 et présent dans neuf pays, GSE emploie 367 salariés et affichait 450 millions d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier. En Chine, où il dispose d'une filiale à Shanghai, il a bâti en 20 ans 1,5 million de m2 pour des clients tels qu'Alstom, Schneider, Gemalto, Lafarge ou Air Liquide dans l'industrie, ou encore Adidas, Walmart, DHL et Ikea dans la logistique.
GSE ne construit pas que des usines, des centres de R&D et des entrepôts : il livrera fin 2018 le cinéma multiplexe (14 salles, 2.800 fauteuils) de la Joliette à Marseille, un projet porté par le cinéaste et producteur Luc Besson, racheté par Pathé.