Le Premier ministre Edouard Philippe a donné mardi le coup d'envoi d'une réforme «globale» du système de santé et promis d'apporter d'ici l'été de premières réponses au malaise des soignants et au déficit chronique des hôpitaux.
Un diagnostic partagé avant une opération «globale, cohérente, méthodique». Edouard Philippe se donne «trois mois pour réfléchir intensément» à la «transformation de l'ensemble (du) système de santé».
«Nous pourrions essayer de corriger deux ou trois choses ici ou là», mais «les Français ont conscience que le temps des rafistolages est révolu», a-t-il expliqué lors d'un déplacement à Eaubonne (Val-d'Oise).
De mars à mai, le gouvernement entend multiplier les concertations et consultations, locales ou nationales, y compris sur internet. Le débat ne part toutefois pas d'une feuille blanche : l'exécutif a déjà identifié «cinq grands chantiers» à traiter en priorité.
Sans surprise, la réforme du financement des hôpitaux sera sur la table, après une dégradation des comptes sans précédent en 2017 : le déficit est estimé à 1,5 milliard d'euros pour les seuls établissement publics. Le gouvernement s'en tient sur ce sujet à la promesse d'Emmanuel Macron de «plafonner à 50%» la tarification à l'activité (T2A) des hôpitaux, qui «pousse à une activité sans qualité», selon la ministre de la Santé Agnès Buzyn.
Un constat unanimement partagé, y compris par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui a qualifié mardi cette T2A d'«impasse» qui a conduit «l'hôpital au bord du burn-out». Mais ce changement prendra du temps : une équipe d'experts devra proposer d'ici fin 2019 plusieurs nouveaux modèles de financement.
Leurs travaux devront aussi tenir compte d'indicateurs de qualité commandés à la Haute autorité de santé (HAS) et englober les médecins et paramédicaux libéraux. En parallèle, le gouvernement veut ouvrir la chasse aux actes «inutiles», qui représentent, selon Agnès Buzyn, 30% des dépenses de l'Assurance maladie.
Les différentes spécialités médicales devront soumettre des propositions en ce sens d'ici l'été.
«Réflexion sans tabou»
Dans l'immédiat, toutefois, les tarifs des hôpitaux «seront en baisse» à nouveau cette année, a annoncé le Premier ministre.
«Les bonnes intentions ne sont pas suivies d'effet», a regretté le président de la fédération des établissements privés (FHP), Lamine Gharbi, dont «l'inquiétude reste très forte».
Sur ce point comme sur d'autres, le gouvernement s'inscrit dans les pas de ses prédécesseurs. Ainsi, les regroupements d'hôpitaux vont être «approfondis» et le «virage ambulatoire» (soins sans hospitalisation) sera élargi à d'autres activités que la chirurgie.
Autre cap maintenu, le «virage numérique» doit s'«accélérer», soutenu par cinq milliards d'euros issus du Grand plan d'investissement annoncé en octobre. Le gouvernement y intègre également la généralisation du dossier médical partagé (DMP) et l'essor de la télémédecine.
Par ailleurs, la formation des futurs soignants sera remaniée: en plus du «service sanitaire» obligatoire dès la rentrée de septembre, Edouard Philippe a promis «une réflexion sans tabou sur le numerus clausus», qui fait office de quota d'étudiants admis en deuxième année.
Agnès Buzyn et sa collègue de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal devront aussi se pencher «sur l'avenir des épreuves classantes nationales qui précèdent l'internat» des étudiants et décident de leur spécialisation.
Ces deux sujets feront l'objet de «mesures législatives dès le début de l'année 2019», a assuré le Premier ministre.
Pour mener à bien ces chantiers, le gouvernement consacrera, en plus du budget de la Sécu, 100 millions d'euros par an à «l'accompagnement de cette transformation du système de santé», a-t-il ajouté, sans préciser la durée de cette réforme.