Emmanuel Macron a adopté un ton ferme mardi en Corse, excluant -y compris face à la femme d'Yvan Colonna, qui l'a interpellé dans la rue- toute amnistie de prisonniers, une des revendications des responsables nationalistes qu'il a longuement rencontrés dans la soirée.
Le chef de l'Etat a également affirmé la nécessité de ménager un «avenir» à la Corse dans le «giron républicain», en prononçant un discours en hommage au préfet Claude Erignac sur les lieux où ce dernier a été assassiné il y a 20 ans à Ajaccio, premier temps fort d'une visite de deux jours.
L'autre moment fort a débuté après 19H00, lorsque le président a été accueilli à la Collectivité de Corse pour s'y entretenir avec les deux dirigeants nationalistes, l'autonomiste Gilles Simeoni et l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni, aux commandes de l'île depuis leur large victoire aux élections territoriales de décembre. La rencontre, très attendue, a duré plus de 2 heures mais ni le président, ni les responsables nationalistes n'ont fait de commentaire quand elle s'est achevée.
Quelques instants avant le début de cette rencontre, M. Talamoni avait jugé qu'il serait «consternant» qu'Emmanuel Macron «ferme les portes» au dialogue. «Nous sommes persuadés que M. Macron est un homme assez intelligent pour comprendre la situation» et «que ce que nous voulons faire va dans le sens des intérêts de la Corse et également de Paris», a-t-il ajouté.
«Il y a une fenêtre historique pour sortir de la logique de conflit», avait estimé de con côté Gilles Simeoni, qui s'était toutefois inquiété dans Corse-Matin de la présence «autour du président de la République de faucons qui campent sur un refus total de toute avancée et jouent la politique du pire».
«Faites quelque chose»
Dans la matinée, devant la veuve de Claude Erignac et ses enfants, de retour pour la première fois sur l'île, le chef de l'Etat avait dénoncé avec force la «lâcheté» des assassins du préfet, coupables d'«un de ces actes de terrorisme dont notre nation eut encore récemment à subir la barbarie», en faisant référence aux attentats jihadistes.
En inaugurant une place Claude Erignac sur les lieux de l'assassinat, «nous scellons notre union indéfectible dans la République», qui doit «ménager à la Corse un avenir à la hauteur de ses espérances, sans transiger avec les requêtes qui la feraient sortir du giron républicain», a-t-il insisté. Ce qui sera mené «sans faux semblants», «sans non-dits» et «sans détour», selon lui.
L'assassinat du préfet par un commando nationaliste «ne se justifie pas, ne se plaide pas, ne s'explique pas», a aussi affirmé Emmanuel Macron, qui s'exprimait devant 300 personnes, se félicitant que «la justice de la République» ait «pu être rendue» et avertissant qu'elle serait «suivie sans complaisance, sans oubli, sans amnistie».
Il a ainsi fermé la porte à l'une des principales revendications défendues par les nationalistes. Mais pour Jean-Guy Talamoni, cette prise de position du président n'était «pas quelque chose de bien nouveau» : l'amnistie des prisonniers dits «politiques» «continuera à faire partie» des demandes des nationalistes, a assuré le leader indépendantiste.
Parmi ces prisonniers, figure Yvan Colonna, qui purge une peine à perpétuité pour l'assassinat du préfet. En fin d'après-midi, son épouse Stéphanie a interpellé le président dans une rue d'Ajaccio. «Mon fils de six ans n'a pas vu son père depuis un an et demi. S'il vous plait, faites quelque chose (...) Ce n'est pas un animal, c'est un être humain», lui a-t-elle dit.
«Que votre enfant puisse voir son père, que les personnes qui sont détenues dans notre pays puissent voir leur famille, ça fait partie des choses que nous allons assurer», lui a répondu Emmanuel Macron, rappelant également qu'il avait exclu toute amnistie dans son discours de la matinée.
Au deuxième jour de sa visite en Corse, le président de la République prononcera mercredi à Bastia un discours sur sa vision de l'avenir de l’Ile de Beauté.