Quelques heures avant la fin de sa garde à vue mardi, Jonathann Daval est finalement passé aux aveux. L'homme de 34 ans, qui plaidait jusque là son innocence, a été mis en examen pour «meurtre sur conjoint» et écroué.
Incohérences dans son emploi du temps, déplacements suspects, draps, SMS ... autant d'éléments qui ont incité les gendarmes à enquêter sur le mari de la victime, Alexia Daval, morte par asphyxie et dont le corps calciné a été retrouvé dans le bois d'Esmoulins (Haute-Saône), le 30 octobre dernier. En l'espace de trois mois, Jonathann Daval est passé du veuf éploré au suspect principal. Retour sur ce feuilleton judiciaire.
Une enquête silencieuse
L'affaire commence officiellement le 28 octobre 2017, lorsque Jonathann Daval signale la disparition de son épouse Alexia, 29 ans. Plus tôt dans la matinée, la jeune femme était partie faire son jogging mais n'est jamais rentrée. Les policiers mènent alors des recherches qui finissent par aboutir à la découverte de son corps, deux jours plus tard. Ce dernier est en partie calciné et laisse présager dans un premier temps à un crime de rôdeur.
Dès le départ de l'enquête, peu d'éléments fuitent dans les médias. Les enquêteurs de la section de recherche de la gendarmerie de Besançon ont tenté de maîtriser la médiatisation de l'affaire. D'ailleurs, les dernières informations dont disposaient les journalistes remontaient de la conférence de presse donnée par la procureure de la République, Edwige Roux-Morizot, mi-novembre. Elle y révèlait les causes de la mort de la jeune employée de banque ainsi quelques informations sur l'avancée de l'enquête.
A ce stade, les gendarmes avaient déjà procédé à l'interrogatoire de plus de 200 personnes (familles, amis, voisins, ...). C'est d'ailleurs lors de l'un d'entre eux que Jonathann Daval avait reconnu s'être disputé avec Alexia la veille de sa disparition . Une dispute à l'origine des traces de griffes et de coups sur le corps de la jeune femme.
Des pièces versées tardivement au dossier
Il a fallu ensuite attendre la mise en garde à vue de Jonathann Daval, lundi 29 janvier, pour que certains éléments de l'enquête sortent dans la presse. «Les gendarmes avaient notamment installé des caméras infrarouges pour pouvoir suivre toutes les allées et venues autour du domicile du suspect», a expliqué une source proche du dossier au Parisien.
Les enquêteurs n'avaient également pas versé au dossier l'intégralité des éléments. Ces pièces à charge contre Jonathann Daval n'ont été dévoilées qu'au moment de sa garde à vue, permettant ainsi de prendre avantage sur lui et ses avocats. Parmi les incohérences relevées par l'enquête, il y a la tenue de la jeune femme. En plein automne, Alexia n'était vêtue que d'un short. En réalité, il semblerait qu'elle fût vêtue ainsi lors du drame. Selon L'Express, «les enquêteurs pensent que cette sportive aguerrie l'avait enfilé en rentrant chez elle, pour se mettre à l'aise». Et c'est seulement après les faits, que son «époux aurait enfilé des baskets à la dépouille avant de transporter le corps».
Autre élément troublant dans l'enquête : la balise GPS du véhicule professionnel de Jonathann Daval se serait déclenché aux alentours d'une 1h30. D'après une source proche du dossier interrogée par L'Express, «ce dispositif peut se déclencher sans que la voiture ne démarre, juste en ouvrant les portes par exemple (...) accréditant l'hypothèse qu'à ce moment-là, l'époux a pu cacher le corps avant de le transporter au petit matin».
Un interrogatoire d'un nouveau genre
Cette série de preuves a conduit, lundi, à mettre en garde à vue Jonathann Daval. Et les gendarmes ont alors procédé à un interrogatoire pour le moins inhabituel mettant en pratique, selon des informations recueillies par BFMTV, une méthode d'interrogatoire canadienne. Celle-ci est nommée «Progreai», diminutif de «processus général de recueil des entretiens, auditoires et interrogatoires». Son objectif : faire craquer à l'issue le gardé à vue.
Dans un premier temps, les gendarmes ont mis en confiance Jonathann Daval en le questionnant sur sa famille, sa vie, ses activités ou sur son travail. A l'aise, c'est alors que l'interrogatoire est entré dans le vif du sujet reprenant le déroulé des faits en demandant toujours plus de détails afin de faire resurgir toutes les invraisemblances de son récit.
S'en est suivi la dernière phase : les aveux. Le suspect a été mis face à ses contradictions et les enquêteurs lui ont présenté au fur et à mesure toutes les pièces à charge dont ils disposaient. Face à l'évidence, Jonathann Daval a finalement avoué avoir tué sa compagne.
Bien que partiels, les aveux de Jonathann Daval sont néanmoins l'aboutissement de trois mois d'enquête, jugés «exemplaires» et salués par la procureure de la République lors de sa conférence de presse, mardi 31 janvier. A présent, les recherches vont se poursuivre pour comprendre pourquoi le corps d'Alexia Daval a été retrouvé partiellement calciné alors que selon l'un des avocats du prévenu,«il n'a jamais essayé de mettre le feu au corps».