«On m'a demandé de rendre service, j'ai rendu service». Sa vidéo a tourné en boucle sur internet : Jawad Bendaoud, jugé à partir de ce mercredi pour avoir fourni une planque au jihadiste Abdelhamid Abaaoud à Saint-Denis, est un «petit caïd» au lourd passé judiciaire.
Mercredi 18 novembre. Il est environ 7h30 rue Gaston-Philippe, à quelques centaines de mètres de la rue du Corbillon. C'est là, dans le centre de cette commune populaire du nord de Paris, que la police mène depuis trois heures un assaut d'envergure contre un appartement où se terre et où périra quelques heures plus tard l'organisateur des attentats du 13 novembre.
Doudoune noire, sacoche en bandoulière et langue bien pendue, Jawad Bendaoud traîne avec une amie près du cordon de police. Accroché à son téléphone, il est visiblement excédé : "vous avez des photos des mecs qui sont dans l'appart' ?", lance-t-il à une journaliste de l'AFP.
Puis il raconte : un ami lui a "demandé d'héberger deux de ses potes pour quelques jours". "J'ai dit qu'il n'y avait pas de matelas, ils m'ont dit 'c'est pas grave', ils voulaient juste de l'eau et faire la prière". "Ils venaient de Belgique", ajoute-t-il. "Je n'étais pas au courant que c'étaient des terroristes", jure-t-il. Un policier qui tend alors l'oreille invite le jeune homme à le suivre. Placé en garde à vue pendant six jours, durée rarissime, il a été déféré mardi.
En moins d'une heure, la vidéo tournée par BFMTV juste avant son interpellation - qui a suscité de multiples détournements sur le web -, est déjà sur tous les smartphones des jeunes de Saint-Denis. "Wesh Jawad passe à la télé ! Le mec il a vraiment pas de chance : il fait sept ans de prison, il ressort et là cette histoire…", rigole l'un d'entre eux. "A Saint-Denis, tout le monde connaît Jawad !"
"Coups mortels"
Troisième d'une fratrie de cinq, il a grandi à deux pas de là, boulevard Carnot. Son père est sans emploi, sa mère a été nourrice mais "a perdu son agrément depuis longtemps", selon la mairie. Condamné en novembre 2008 à huit ans de prison pour "coups mortels", il est sorti en septembre 2013. Pour Didier Paillard, maire communiste de Saint-Denis, Jawad Bendaoud est avant tout un de ces "caïds" embauchés par "des marchands de sommeil pour loger au 'black' des personnes de passage" dans les immeubles insalubres qui pullulent dans le centre-ville.
Selon Hayet, la jeune femme qui était avec lui le soir des faits, il lui avait confié être "dans la merde" avec cette histoire. "La façon dont l'appartement était préparé... Je pense qu'il a quelque chose à voir et qu'il était au courant", a-t-elle déclaré sur BFMTV une fois sortie de garde à vue, disant ignorer combien de personnes étaient réellement logées dans l'appartement.
Côté religion, dans sa ville, "Jawad" est connu comme quelqu'un de "pas du tout radical". "Il danse, il a rien a voir avec ça. C'est un mec sexe, drogue, alcool. Il sait même pas où c'est, la mosquée", le défend Sami, 29 ans. "Quand je l'ai vu à la télé, ça m'a fait sourire", explique sous couvert d'anonymat une propriétaire d'immeuble rue du Corbillon, le décrivant comme "le petit caïd du quartier". "Je le croise souvent. Il y a encore quelques jours, il me disait qu'il avait tué un homme et qu'il était sorti il y a peu de prison... Il est pas méchant, un peu naïf", ajoute-t-elle.
Cynthia, 25 ans, connaissait "Jawad", avec qui "elle discutait comme ça", mais surtout le jeune homme qu'il a tué pour une histoire de téléphone portable. N'avait-elle pas peur de le croiser "en bas", dans la rue ? "Au début oui. Puis je me suis dit: tout le monde a droit à une deuxième chance".