La mobilisation des surveillants de prison a repris jeudi dans toute la France avec de nombreux établissements bloqués dans l'attente d'«arbitrages» gouvernementaux sur leurs revendications pour de meilleures conditions de sécurité.
Dans ce contexte de désorganisation, 123 détenus de Fleury-Mérogis (Essonne) refusaient de regagner leurs cellules après la promenade dans cette prison, plus grand centre pénitentiaire d'Europe, dont des surveillants avaient bloqué l'accès dans la matinée.
«Il n'y a pas de revendications, pas de violence», a précisé l'administration pénitentiaire (DAP) qui a dépêché sur place des équipes de sécurité pour mettre un terme à l'incident.
Pour la troisième fois depuis le début de la semaine, les accès aux prisons ont été totalement ou partiellement bloqués partout en France jeudi matin par des piquets de grève, parfois avec des barricades de palettes en bois et de pneus enflammés.
Selon la DAP, 87 établissements, soit 46% du parc pénitentiaire, ont été affectés «à des degrés divers» par cette mobilisation, lancée après l'agression il y a une semaine de trois gardiens par un détenu jihadiste dans la prison de Vendin-le-Viel (Pas-de-Calais).
Le syndicat Ufap-Unsa (majoritaire) revendiquait, lui, «140 à 150 établissement bloqués et 6.000 à 7.000 personnels mobilisés», a déclaré à l'AFP le secrétaire national Wilfried Fonck. «C'est très suivi, on ne sent pas d'essoufflement», a assuré Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT-Pénitentitaire.
L'Ufap-Unsa et la CGT-Pénitentiaire avaient appelé dès mercredi soir à reprendre le «blocage général» des prisons entamé lundi, mais qui avait été suspendu mercredi durant des discussions avec l'administration pénitentiaire.
FO-Pénitentiaire, qui voudrait voir les discussions sur les questions de sécurité élargies aux questions statutaires, ne prend pas part aux négociations mais participe toutefois à la mobilisation.
Procès de la «Veuve noire» retardé
Un document a été envoyé «à l'arbitrage» du gouvernement et, «une fois les arbitrages rendus, les discussions reprendront afin de faire un point et finaliser ou pas un document que nous soumettrons aux personnels», avaient expliqué l'Ufap et la CGT dans un communiqué commun mercredi.
«Ce document regroupe plusieurs axes et propositions, portant sur la sécurité des agents, la prise en charge de la radicalisation, une meilleure reconnaissance du métier de surveillant et les effectifs», a-t-on précisé à la DAP.
Ce texte était entre les mains de la ministre de la Justice Nicole Belloubet et sera soumis à l'arbitrage de Matignon, a-t-on indiqué dans son entourage, sans préciser quand d'éventuelles décisions pourraient être prises.
La ministre a annulé un déplacement prévu jeudi après-midi dans les Bouches-du-Rhône, sans en préciser les motifs.
Face à la colère des personnels, Emmanuel Macron avait annoncé lundi un «plan pénitentiaire global» d'ici fin février et, en visite à Vendin-le-Vieil le lendemain, la garde des Sceaux avait annoncé avoir fait «dix propositions» au personnel de la prison, portant notamment sur les effectifs et la prise en charge des détenus radicalisés.
La mobilisation était assez largement suivie dans toutes les régions, les surveillants clamant leur «détermination».
A Nice, le blocage de la prison a notamment empêché durant quelques heures le transfert vers le tribunal de la «Veuve noire» de la Côte d'Azur, Patricia Dagorn, qui est actuellement jugée aux assises pour l'assassinat de deux retraités.
«Sauvez-nous avant qu'il ne soit trop tard», «De belles promesses c'est bien, des promesses tenues c'est mieux», clamaient des pancartes devant la maison d'arrêt d'Elsau à Strasbourg, où 80 surveillants étaient rassemblés jeudi.
«Ce qu'il faut, c'est que le mouvement se durcisse. Il faut que les choses changent. On sait que cela va engendrer des incidents pour les coursives, que cela va être dur pour les familles, mais il faut que chacun comprenne (...). On risque notre vie tous les jours», a lancé à l'AFP un surveillant sous couvert d'anonymat.
Le syndicat FO-Direction, majoritaire chez les directeurs de services pénitentiaires, a apporté son soutien au mouvement, assurant notamment que les tâches demandées aux gardiens étaient «irréalisables ou antagonistes à moyen constant».