La cour administrative d'appel de Versailles a débouté un médecin-stagiaire égyptien renvoyé par l'hôpital pour avoir refusé de tailler sa barbe, jugée par l'établissement l'accueillant comme «la manifestation ostentatoire d'une appartenance religieuse».
Dans sa décision datant du 19 décembre, la cour de Versailles (Yvelines) a considéré que si le port d'une barbe, «même longue», ne saurait «à lui seul» constituer un signe d'appartenance religieuse, les «circonstances» donnaient raison à l'hôpital.
Les faits remontent à fin 2013. Le médecin, aujourd'hui âgé de 35 ans, effectuait un stage de spécialisation d'un an en chirurgie viscérale au centre hospitalier de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), dans le cadre d'une convention avec le National Liver Institute de l'université égyptienne de Menoufia.
Il s'y était présenté «avec le visage couvert d'une barbe particulièrement imposante» et avait été convoqué à plusieurs reprises par la direction, qui lui avait demandé de tailler sa barbe, «perçue par les membres du personnel comme un signe d'appartenance religieuse».
L’hôpital avait souligné auprès du médecin que «l'environnement multiculturel de l'établissement rendait l'application des principes de neutralité et de laïcité du service public d'autant plus importante», a indiqué la cour dans sa décision.
L'homme s'était lui «borné à invoquer le respect de sa vie privée, sans pour autant nier que son apparence physique était de nature à manifester ostensiblement un engagement religieux».
«Dans ces conditions», la cour y a vu un manquement à ses obligations de respect de la laïcité et du principe de neutralité du service public, même si le port de la barbe «ne s'est accompagné d'aucun acte de prosélytisme».
Elle a estimé que la sanction, la résiliation de la convention de stage du médecin, n'était «pas disproportionnée», confirmant le jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de Montreuil.
«Parce qu'il ne dit pas explicitement +non ce n'est pas religieux+, c'est religieux», s'est insurgée auprès de l'AFP Nawel Gafsia, l'avocate du médecin-stagiaire, qui prévoit un pourvoi devant le Conseil d'Etat. Elle a dénoncé une décision prise uniquement sur «l'appréciation subjective de la directrice, basée sur d'hypothétiques réactions, sans produire d'attestation de témoins».
«On en est à débattre des centimètres de poils au menton des gens pour savoir s'il y a atteinte à la laïcité», a-t-elle ajouté, précisant qu'en l’occurrence, la barbe de son client ne mesurait à l'époque pas plus de «4-5 centimètres».
Dans une affaire similaire, le conseil des prud'hommes de Bobigny rendra début janvier sa décision concernant quatre agents de sécurité de l'aéroport d'Orly licenciés pour avoir refusé de raccourcir leur barbe, juste après les attentats du 13 novembre 2015.