Le sauvetage d'une romantique ruine du Poitou par rachat participatif a dépassé toutes les attentes, et le château de La Mothe-Chandeniers (Vienne) comptera près de 25.000 fiers et anonymes copropriétaires de 115 pays, qui ont réuni plus de 1,6 million d'euros.
«C'est un record en France et sans doute en Europe en termes de fonds levés et de contributeurs» a affirmé mardi à l'AFP Romain Delaume, PDG de l'agence de financement participatif Dartagnans.fr, qui a lancé en octobre l'opération d'achat collectif avec l'association Adopte un château, réseau d'aide et conseil aux châteaux en danger.
De France et des Etats-Unis en majorité, mais aussi d'Afghanistan, du Burkina Faso, du Pérou, des anonymes ont acquis en deux mois et demi pour 50 euros «leur» bout de château ou l'ont offert à un proche à Noël. Ils pourront via 1 euro supplémentaire devenir actionnaire de la société par action simplifiée (SAS) en cours de lancement.
L'offre est à présent close et le nombre total de contributeurs avoisine les 19.000, certains ayant acheté plusieurs parts pour faire des cadeaux, ce qui portera, une fois tout dépouillé, le nombre total de propriétaires à 25.000. La société fonctionnera avec conseil d'administration, assemblée générale annuelle, comité executif, et un site dédié permettra à chaque copropriétaire de suivre l'avancée des travaux (via webcams notamment) et les événements, ou d'envoyer des propositions.
Cerné de douves, sa façade hérissée de tours, mais à l'intérieur sans toit envahi depuis des lustres par la végétation, le château de La Mothe-Chandeniers remonte au XIIIe siècle, mais sa version actuelle date du XIXe siècle. Probablement saccagé à la Révolution, il a été racheté en 1809 et rénové en conservant une partie de l'édifice médiéval puis rénové de nouveau et plus massivement à fin du XIXe dans un style romantique.
Détruit par un incendie en 1932, il a été racheté en 1982 par un local amoureux du patrimoine, aujourd'hui âgé de 82 ans, avec qui un compromis de vente a été conclu en octobre, pour 500.000 euros. Résidence d'artistes, lieu de manifestations culturelles, de spectacles, partiellement chambre d'hôtes, aucune hypothèse n'est exclue parmi les multiples suggestions de donateurs.
L'idée est que le château devienne un «laboratoire collaboratif et créatif», un «lieu qui vit» souligne Dartagnans.fr. Même s'il ne s'agit a priori pas de le restaurer entièrement, ce qui coûterait au bas mot 3 millions d'euros, selon M. Delaume.
Les prochaines semaines vont être consacrées à une étude de la structure du château, de l'impact de la végétation depuis un siècle, puis une sécurisation, en vue «dès que possible en 2018» d'une visite réservée aux actionnaires, tandis que seront séquencés les travaux à venir, avec une probable priorité en 2018 à la tour porche surplombant les douves, et l'idée d'un premier chantier de bénévoles avant l'été.