A peine lancé par Emmanuel Macron, le chantier de l'assurance chômage "universelle" suscite déjà de nombreuses interrogations, sur les contours de son extension aux démissionnaires et aux indépendants, sur son financement et sur le rôle des partenaires sociaux dans la future gouvernance.
"Universelle", mais à quel point ?
Indemniser les indépendants et les démissionnaires : la concrétisation de cet engagement de campagne d'Emmanuel Macron est complexe et potentiellement onéreuse.
Pour les démissionnaires, le candidat Macron voulait leur donner la possibilité de bénéficier de l'assurance chômage une fois tous les cinq ans.
Lors de son entretien télévisé dimanche, le président a ébauché des critères plus restrictifs, notamment l'obligation d'avoir un projet professionnel pour prétendre à l'indemnisation. "Celui qui en a assez (de son travail), on ne va pas lui donner comme ça l'accès au chômage. Mais celui qui, au bout de cinq ans, six ans, sept ans, a un autre projet, qu'on lui donne la possibilité de toucher le chômage pour mener cet autre projet, c'est ce qui va avec cette transformation de notre société", a-t-il déclaré.
L'Elysée avait déjà prévenu que le dispositif devrait être "contrôlable" financièrement, alors que l'assurance chômage affiche une dette de plus de 30 milliards d'euros.
Dans un document diffusé en juillet, l'Unédic, gestionnaire du régime, s'inquiétait de potentiels effets pervers pouvant faire "courir un risque financier à l'assurance chômage". Des chiffrages révélés début octobre par Les Echos, jugés "extrêmes" par le ministère du Travail, évoquaient un coût pouvant aller jusqu'à 14 milliards d'euros la première année, puis jusqu'à 5 milliards les suivantes.
L'indemnisation des indépendants pose également des questions : quels indépendants seront concernés ? Comment contribueront-ils au régime ? Comment sera définie la perte d'activité ouvrant droit à l'indemnisation ? Ces questions font l'objet d'une mission confiée aux inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF).
Les syndicats craignent que l'extension du régime aboutisse, faute de moyens supplémentaires, à une baisse de l'indemnisation, tandis que le patronat craint que les indépendants paient cher leur nouveau filet de sécurité.
"Bonus-malus", quels contours pour cette arme anti-précarité ?
"Les contrats précaires", c'est "ce qui coûte le plus cher à l'assurance chômage", expliquait récemment la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, confirmant qu'un "bonus-malus" sur les cotisations patronales était en projet, pour pénaliser les entreprises qui, par un recours excessif aux emplois précaires, coûtent cher à l'assurance chômage. "C'est une question de justice", a défendu son collègue Bruno Le Maire (Economie) lundi sur France Info.
Selon Les Echos, le taux de cotisation pourrait "varier de 2% (pour les entreprises les plus vertueuses) à un maximum - hautement hypothétique - de 10% (pour les moins vertueuses)". Chaque entreprise verrait son taux "actualisé chaque année en fonction de son +comportement+ en matière d'embauches sur les trois années précédentes: selon que les dépenses d'indemnisation générées sur cette période dépassent ou non la moyenne nationale, on lui appliquera un malus ou un bonus".
Mme Pénicaud, interrogée par l'AFP, a refusé de commenter ce qu'elle qualifie de "rumeurs" et a assuré qu'elle abordait la concertation avec les partenaires sociaux sans "idées préconçues".
Le bonus-malus avait été défendu par Force ouvrière lors de la dernière négociation sur l'assurance chômage. En vain, le patronat rejetant en bloc tout renchérissement des contrats courts.
Quelle latitude pour les partenaires sociaux ?
Dans l'esprit de l'exécutif, l'ouverture de l'assurance chômage aux indépendants et le transfert d'une partie du financement des cotisations vers l'impôt (CSG) induisent une "présence renforcée" de l'Etat dans la gouvernance.
Si l'Etat délègue aujourd'hui la gestion de l'Unédic aux partenaires sociaux, il est déjà très impliqué dans le régime : il garantit sa dette, peut fixer un cadrage financier, valide les règles d'indemnisation. Pour l'heure, le gouvernement n'a pas précisé dans quelle mesure la future "gestion tripartite" accroîtrait ses prérogatives et diminuerait celles des syndicats et du patronat.
Dimanche soir, Emmanuel Macron a cité plusieurs domaines qui seront du ressort des partenaires sociaux, dont les critères d'indemnisation des démissionnaires.
Syndicats et patronat ont, à de nombreuses reprises, défendu d'une même voix la gestion paritaire du régime.