«On m'appelait "Ben Ben", pour Ben Laden»: l'itinéraire chaotique et violent d'Abdelkader Merah a été mardi au centre des débats de la cour d'assises de Paris, où il comparaît pour complicité dans les assassinats de son frère Mohamed.
«Lors des attaques du World Trade Center (le 11 septembre 2001, ndlr), j'avais crié "Vive Ben Laden" mais c'était pas une question religieuse, à l'époque j'étais un petit délinquant à mille lieues de l'islam», a expliqué l'accusé. Son frère Mohamed était surnommé, lui, «le petit Ben Ben», mais son aîné affirme aujourd'hui ne plus savoir pourquoi.
Abdelkader Merah, 35 ans, soupçonné d'avoir été le mentor religieux de son frère, est accusé par la justice d'avoir «sciemment» facilité la préparation de ses crimes.
En mars 2012, sept personnes, dont trois enfants d'une école juive, ont été froidement exécutées par Mohamed Merah dans le sud-ouest de la France. Les attaques ont été revendiquées par le groupe jihadiste Jund al Khalifat, affilié à Al-Qaïda.
Mardi, au deuxième jour du procès, la cour d'assises s'est penchée sur le parcours d'Abdelkader Merah, un jeune de cité, marqué par le divorce de ses parents qui a basculé dans la délinquance et la violence avant de se convertir en 2006 à ce qu'il qualifie de «vraie religion».
Le président a cependant repoussé au 13 octobre l'examen de l'engagement religieux de l'accusé et de ses voyages au Caire.
«Chacun ses traditions»
Mais de nombreuses fois au cours de son interrogatoire, Abdelkader Merah insiste sur les différences entre culture magrébine, islam et mode de vie occidental.
«Les Algériens, on peut pas comparer avec la culture occidentale», «notre mode de vie et le vôtre, c'est différent», «c'est chacun ses traditions», a-t-il martelé, contraignant le président à lui rappeler qu'il était français.
Né en 1982 à Toulouse, Abdelkader Merah est quatrième d'une fratrie de cinq enfants, trois garçons, deux filles, Mohamed étant le plus jeune.
Sa mère, Zoulika Aziri, née en Algérie, a rejoint son mari Mohamed, en France depuis 1966, en février 1981.
Le père Merah a été ouvrier dans une fonderie puis gérant d'une fabrique de matériel de construction, il a aussi connu la prison après une condamnation à cinq ans ferme pour détention de plusieurs kilos de cannabis. Des témoignages rapportent ses violences sur sa femme mais Abdelkader jure ne jamais l'avoir vu battre sa mère.
«Avec mon père, il n'y avait pas d'échange mais il était très attentif», raconte l'accusé. «Ma mère, à mes yeux, elle est parfaite. Elle est prête à donner sa vie pour moi», dit-il.
Le divorce de ses parents lorsqu'il avait 11 ans, qu'il a qualifié dans la procédure de «seconde guerre mondiale», a fait basculer sa vie. «Avant, c'était une famille parfaite, après, c'était chaotique», a-t-il résumé.
Son parcours scolaire jusqu'à l'obtention d'un CAP de peintre en bâtiment s'en ressentira. Placé dans des foyers par les services sociaux, il devient violent et les rapports alarmants se multiplient sur son comportement.
«Il provoque, agresse, insulte, toujours à l'affût d'un mauvais coup, passe outre à l'autorité des adultes, avec une hyperactivité inquiétante ouvrant la voie à un comportement antisocial», est-il écrit dans l'un de ces rapports. «Les weekends, il frappe sa mère qui se réfugie dans sa chambre au moindre débordement de son fils».
Condamné à cinq reprises, notamment pour des actes de violence sur ses frères, Abdelkader Merah dit avoir trouvé la paix dans l'islam. A cette date, il épouse religieusement et par téléphone Yamina Mesbah, sa compagne actuelle, avec laquelle il emménage dans la campagne toulousaine pour fuir «les actes de turpitude, de débauche et de péché» de la ville.
Plus tard, il organisera en 2011 le remariage de sa mère avec un «musulman sérieux», Mohamed Essid, père de Sabri Essid, parti combattre en Syrie.