La menace jihadiste vient désormais «principalement» de l'intérieur, avertit le nouveau directeur général de la sécurité intérieure Laurent Nuñez, défendant la nouvelle loi antiterroriste qui permettra d'«agir dans l'urgence» en cas d'imminence d'un passage à l'acte.
Quel est l'état de la menace ?
La menace est principalement le fait d'individus présents en France : soit de velléitaires qui ont été empêchés de se rendre en Syrie ou en Irak, soit de primo-terroristes qui peuvent passer à l'action sans qu'il y ait eu de signes avant-coureurs.
Malgré le recul sur le terrain de Daesh, la propagande jihadiste demeure active avec l'envoi de tutoriels de modes opératoires qui ne se limitent pas à des attaques au couteau (voitures béliers, fabrication d'explosifs...). Gardons à l'esprit le scénario barcelonais : un groupe d'amis ou une fratrie, a priori inconnus des services, qui conspire en cercle fermé, sans contact avec des personnes radicalisées ou présentes sur zone, échappant ainsi à une détection.
Cela n'exclut en rien l'attention qu'il faut porter à la menace exogène, la volonté de Daesh ou d'al-Qaida de projeter une équipe restant d'actualité. La dégradation de la situation sur zone ne peut qu'aggraver cette menace même si nous ne nous attendons pas à une vague de retours massifs (moins d'une dizaine depuis janvier, contre 57 en 2015).
Comment lutte-t-on contre cette menace ?
La seule façon de lutter contre le passage à l'acte, c'est le travail de renseignement que nous menons, en lien étroit avec nos partenaires nationaux et étrangers, puis de passer rapidement à une procédure judiciaire afin de mettre les terroristes hors d'état de nuire en les plaçant en détention provisoire. Cette «judiciarisation» rapide n'est pas toujours possible, notamment pour ne pas mettre en danger les sources humaines ou la coopération internationale. C'est l'imminence du passage à l'acte qui dicte le tempo.
Une nouvelle loi antiterroriste était-elle nécessaire ?
Justement, la loi nous apporte des mesures qui nous permettent d'agir dans l'urgence ou quand les techniques de renseignement n'ont pas suffi à caractériser la menace. Les perquisitions administratives sous l'état d'urgence, renommées visites domiciliaires dans la nouvelle loi, sont indispensables et beaucoup plus ciblées que par le passé. Depuis juillet, la DGSI a procédé à une dizaine de perquisitions administratives.
Dans la plupart des cas, on a trouvé des éléments (traces de repérages, allégeance, testament) qui nous ont permis de judiciariser et de neutraliser la menace.
Il ne faut pas imaginer qu'on met en œuvre ces mesures, seuls dans notre coin. Le parquet de Paris, avec qui la collaboration est très étroite, est toujours prévenu en amont.
La loi nous permettra aussi de continuer à procéder à des assignations à résidence et autres mesures individuelles de surveillance. C'est un signal fort donné aux individus pour entraver toute velléité de passage à l'acte et un dispositif qu'il est important d'inscrire dans le temps. S'il y a une nouvelle vague de départs, vers l'Indonésie, les Philippines ou la Libye, on aura un outil.
Le président Macron a insisté sur l'importance du partage de l'information entre les services de l'Etat. Qu'en est-il ?
La DGSI joue pleinement son rôle auprès des préfets pour leur donner toutes les informations pour un suivi effectif de l'ensemble des objectifs actifs inscrits au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (soit 11.000 personnes, NDLR) dont plus de 4.000 relèvent de la DGSI. Je veille à ce que cet échange soit sans réserve.
Dans le cadre de la prévention de la radicalisation, nous sommes en train d'identifier des territoires considérés comme sensibles, pour mettre en place des plans d'actions ciblés qui associeront, au-delà des services de sécurité intérieure, l'ensemble des services de l'État sous l'autorité des préfets.
Les effectifs de la DGSI vont augmenter entre 2013 et 2018 de près de 40% (+1.200 agents). Suscite-t-elle toujours des vocations ?
Les personnels sont totalement investis dans leur mission. Nous avons renforcé nos moyens juridiques, techniques et budgétaires. Le ministre de l'Intérieur a souhaité et obtenu que cet effort se poursuive. Mais ces renforts massifs ont entraîné des difficultés logistiques qui sont bien prises en compte. La pression et la charge de travail sont fortes: il ne faut pas que cela dissuade. Je veillerai à ce que nous restions attractifs.