Le double meurtre de Montigny-Lès-Metz a connu de nombreux accusés, dont deux jugés coupables, cinq procès et sans doute une sixième à venir.
Le 28 septembre 1986, deux garçons de 8 ans, Cyril Beining et Alexandre Beckrich, sont retrouvés morts le long d’une voie ferrée à Montigny-Lès-metz (Moselle), dans un garage SNCF situé en haut d’un talus, où les enfants du village ont l’habitude de jouer.
Patrick Dills, le premier suspect
Les policiers se rendent sur place et l’enquête commence, mais avec de nombreux manquements qui auront des conséquences plus tard : la température des corps n’a pas été prise, laissant planer le doute sur l’heure de la mort, le médecin sur place n’était pas légiste, certaines pièces à conviction n’ont pas été analysées…
Très rapidement, les soupçons se portent sur Patrick Dills, un jeune homme de 16 ans, vivant dans la même rue que les victimes. Mais déjà, l’horaire du crime, déterminant dans l’accusation, pose problème.
Selon le médecin, la mort des enfants est survenue à 18 h, selon des témoins sonores, les enfants ont pleuré vers 18h55. Or, Patrick Dills était près des lieux du crime vers 18h45. Mais avant cela, il n’était même pas en ville, puisqu’il rentrait de week-end avec ses parents.
Il est entendu une première fois en octobre 1986 et mis en examen, en vain. Les auditions se poursuivent et deux personnes avouent le meurtre avant de se rétracter. Des pistes non sérieuses, qui ne seront pas suivies, mais l’une des deux est Henri Leclaire, un manutentionnaire qui a travaillé dans le département et dont le nom reviendra plus tard.
La justice pense avoir résolu l’affaire
Sept mois après les faits, Patrick Dills est à nouveau entendu et cette fois il craque, et avoue le meurtre. Pendant l’interrogatoire puis lors d’une recomposition, il donne des détails précis, notamment le plan des lieux, les pierres utilisées pour tuer les enfants, l’endroit précis du drame…
Des détails qui correspondent effectivement aux preuves accumulées par la police. Mais très rapidement, le jeune homme se rétracte, affirmant avoir subi des pressions policières et expliquant que tous les détails qu’il a donnés étaient, en fait, soit soufflés par les enquêteurs, soit qu’il les avait vu lors de ses interrogatoire (le plan des lieux notamment, était affiché dans la pièce).
Mais les premiers aveux et les preuves suffisent : en janvier 1989, Patrick Dills est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Son avocat demande une révision de son procès, faute de preuve mais aussi de mobile et en raison d’incohérences.
En 2002, après deux autres procès et la mise en lumière d’un nouveau suspect potentiel, Patrick Dills sera finalement acquitté, après quinze ans passés en prison.
L’ombre de Francis Heaulme
C’est donc retour à la case départ pour ce double meurtre. Mais un nouveau protagoniste à fait son apparition : Francis Heaulme, tueur en série dont les crimes n’étaient pas encore connus en 1986 (mais déjà commis, puisque le premier remonte à 1984), travaillait Montigny-Lès-Metz, à 400 mètres de la gare de stationnement des trains, à l’époque du meurtre des deux garçons.
Mais les scellés ont été détruits en 1995, après la condamnation de Patrick Dills, puisque la justice pensait l’affaire réglée.
Un nouveau procès s’ouvre donc en 2014, avec, comme principal suspect, Francis Heaulme.
C’est le gendarme Jean-François Abgrall qui a permis de faire arrêter Francis Heaulme, en 1992, pour un meurtre commis dans l’ouest de la France. C’est l’un des seuls enquêteurs parvenant à faire parler le tueur. Si Francis Heaulme n’avoue jamais directement ses crimes, il a une façon bien à lui d’en faire les récits. Il mélange les lieux, les époques et les victimes, évoque des «pépins» ou explique «avoir vu rouge». Cependant, à chaque fois, ses révélations étaient liées à un meurtre qu’il avait effectivement commis.
Or, Francis Heaulme avait évoqué au gendarme Abgrall, bien des années auparavant, deux enfants lui jetant des cailloux depuis un pont. Il décrit des lieux semblables à l’endroit du meurtre de Montigny-Lès-Metz, et explique avoir «vu rouge», avoir voulu corriger les enfants. Il raconte cependant que lorsqu’il est arrivé sur le talus, les garçons étaient déjà morts. Un témoignage qu’il ne réitèrera plus jamais.
Des procès infructueux
Son procès s’ouvre donc en 2014. Les familles restent persuadées que le meurtrier est Patrick Dills. Et coup de théâtre, dès le premier jour, des témoins évoquent un dénommé Henri Leclaire, qui avait déjà avoué le meurtre en 1986 avant de se rétracter.
Francis Heaulme lui-même l’accuse. Le procès est reporté. Henri Leclaire sera finalement blanchi de tout soupçon et le procès de Francis Heaulme renvoyé à mai dernier.
Pendant les trois semaines de procès, de ce dernier procès l’accusé nie tout en bloc. Et les dossiers, épluchés une fois de plus, mais en public cette fois, mettent au jour tous les défauts de l’enquête, notamment la destruction des scellés, qui rendent impossible l’obtention d’une quelconque preuve matérielle. Mais les éléments contre le tueur en série (similitude avec ses autres crimes, témoignages accablants de co-détenus et du gendarme Abgrall) sont suffisants pour les jurés : Francis Heaulme est jugé coupable à la fin du procès.
Cependant, une partie des familles ne croient pas à sa culpabilité, et l’accusé qui a toujours nié les faits, fait appel.
Un nouveau procès devra donc avoir lieu, et la mort des deux enfants n’est toujours pas définitivement résolue.