Soutenu à bout de bras, le cardinal français escalade le mur de l'église du Saint-Esprit de Mossoul pour y déposer une statue de la Vierge: Mgr Philippe Barbarin est en mission dans une ville désertée par les chrétiens après trois ans de persécution jihadiste.
L'archevêque de Lyon était déjà venu en juillet et décembre 2014 à Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan irakien où les chrétiens s'étaient réfugiés après la prise de la deuxième ville d'Irak par Daesh. «Cette petite statue est un très joli symbole d'une amitié forte qui, j'espère, a apporté quelque chose. (...) On ne peut pas vivre en regardant de loin ou en apprenant seulement par les journaux les souffrances des autres. Il faut être avec eux», explique Mgr Barbarin après avoir déposé la réplique de la Vierge de Fourvière, emblème de la basilique éponyme à Lyon.
Lundi, le prélat français s'était rendu à Qaraqosh, une des principales villes chrétiennes d'Irak, non loin de Mossoul. Désertée par ses habitants lors de l'invasion jihadiste de 2014, elle tente lentement de se repeupler depuis sa reconquête par les forces irakiennes en octobre.
Dans une église aux murs noircis par les flammes, il avait assisté avec une centaine de fidèles à une messe pour «une renaissance de ce pays, de cette ville, de cette région» du nord de l'Irak. Mardi à Mossoul, officiellement «libérée» de Daesh depuis le 9 juillet, Mgr Barbarin a suivi les traces funestes des chrétiens dans l'est de cette ville ravagée par plus de huit mois de combats, durant lesquels les civils ont payé un lourd tribut.
Le périple sous escorte policière de la petite délégation d'ecclésiastiques et de journalistes, à travers quelques unes des 25 églises de Mossoul, s'apparente à un chemin de croix aux stations désertes et saccagées, témoignant de l'oppression des chrétiens sous le règne jihadiste.
«Arriver à pardonner»
Dans l'église en hémicycle du Saint-Esprit, les murs sont gris, nus. «Le marbre a été arraché pour être vendu» par Daesh, explique le patriarche de l'Eglise chaldéenne Louis Raphaël Sako, qui sert de guide. De l'église assyrienne des Martyrs ne reste plus que des murs défoncés.
Sur l'enceinte de l'église de l'Annonciation, des inscriptions jihadistes proclamant «Il n'y a de dieu que Dieu et Mahomet est son prophète. Maintenant, le combat est venu» et «L'Etat islamique reste, avec la volonté de Dieu» sont toujours visibles. Dans l'église chaldéenne Saint-Paul, le sol est jonché de gravats où se mêlent quelques douilles, une statuette décapitée, morceaux de stèles brisées...
La monumentale cathédrale syriaque orthodoxe Saint-Ephrem porte toujours une partie du gigantesque drapeau noir et blanc de Daesh peint sur sa façade. A l'intérieur, seule une fresque du Christ sur le plafond à plus d'une dizaine de mètres de hauteur a été épargnée. «Un génocide a eu lieu», affirme le patriarche Sako. «Un génocide, ce n'est pas seulement tuer des gens, c'est effacer les traces d'une culture».
Quelque 35.000 chrétiens vivaient à Mossoul avant l'arrivée des jihadistes. Tous ont fui ou ont été tués. Et peu veulent désormais revenir, craignant pour leur sécurité. «A peine une dizaine de familles sont revenues», concède Mgr Barbarin. «La vie et l'espoir doivent gagner», exhorte-t-il, alors que la ville fait maintenant face aux immenses défis de la réconciliation et de la reconstruction.
«Le plus difficile est d'arriver à pardonner. C'est quasiment impossible, Jésus en est conscient. Il ne faut pas faire de sermons, il faut essayer de le vivre et prier pour qu'il gagne du terrain. C'est le pardon qui rend à nouveau la vie et l'espoir possibles.»