Le renforcement et une meilleure coordination des services de renseignement constituent la clé de voûte du programme d'Emmanuel Macron en matière de lutte antiterroriste.
Un défi auquel il sera confronté comme son prédécesseur à l’Élysée, alors que la menace jihadiste n'a jamais été aussi élevée.
Si les questions de sécurité ne constituent pas le cœur du projet présidentiel de l'ex-ministre de l’Économie, M. Macron a promis de faire de la lutte contre le jihadisme une «priorité pour les prochaines années» lors du débat télévisé l'opposant à Marine Le Pen mercredi.
Le mandat de François Hollande a été marqué par une vague d'attentats jihadistes sans précédent, faisant 239 morts depuis janvier 2015. Face à ces attentats, François Hollande a endossé le rôle de père de la nation et de chef de guerre, donnant plus de moyens aux services antiterroristes et notamment de renseignement.
Améliorer le renseignement
Emmanuel Macron, novice sur ces questions, a choisi de s'inscrire dans la continuité avec l'idée-maîtresse d'améliorer le renseignement et son organisation.
«Sans bouleverser les structures, et en garantissant aux services la stabilité indispensable à l'amélioration constante des compétences et des expertises, je souhaite offrir aux services de renseignement les moyens nécessaires à l'augmentation et à la diversification de leur recrutement ainsi qu'à l'amélioration des échanges d'information, y compris avec la justice», a-t-il écrit dans une lettre adressée aux policiers durant l'entre-deux tours.
Le leader d'En Marche ! a régulièrement mis en avant la création d'une future «task-force anti-Daesh», une cellule chargée de la coordination des services de renseignement, placée auprès du Président de la République et composée de 50 à 100 agents.
La mesure laisse cependant perplexe un enquêteur antiterroriste : «C'est contre tout ordre institutionnel. Normalement la sécurité intérieure revient au Premier ministre. En plus cela expose politiquement le président de la République en cas d'attentat. Ensuite, ajouter une structure de coordination supplémentaire ne servirait à rien. Au niveau opérationnel et spécialement concernant la lutte contre les filières, il y a déjà la cellule Allat», animée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Des centres d'accueil fermés
M. Macron entend également améliorer la circulation de l'information et du renseignement en incluant le ministère de la Justice.
Concrètement, il veut permettre l'accès aux données des instructions en cours lorsqu'elles peuvent aider à la prévention d'actions et à la recherche de terroristes, une mesure très attendue mais déjà prévue par la récente loi «sécurité publique» de février 2017.
Au niveau opérationnel, M. Macron ne propose pas de changement de doctrine sur la politique extérieure de la France («Nous maintiendrons et amplifierons notre stratégie à l'extérieur»). Il envisage toutefois de créer un «état-major permanent qui permettra de planifier les opérations de sécurité intérieure», qui pourra associer outre les services et états-majors des ministères de l'Intérieur et de la Défense, ceux des Transports, de la Santé et de l'Industrie.
Le candidat Macron veut mettre en place «une véritable programmation» sur 4 à 5 ans pour la modernisation des moyens de la sécurité intérieure.
Sur la question des «revenants» - 700 Français sont actuellement en Syrie -, M. Macron souhaite la création de centres d'accueil fermés. «Nous devons être offensifs sur ce sujet. Dans ces centres, on mettra en place des moyens d'accompagnement avec des aumôniers et un suivi psychologique important», a affirmé l'un des porte-paroles d'En Marche !, Christophe Castaner.
«La déradicalisation est un incontournable des programmes politiques mais force est de constater que le centre de déradicalisation mis en place par le gouvernement à Pontourny (Indre-et-Loire), qui s'adressait à des personnes en milieu ouvert, a été suspendu faute de pensionnaires», fait remarquer un enquêteur antiterroriste.
Enfin, sur l'épineuse question du maintien de l'état d'urgence qui a été prolongé jusqu'au 15 juillet, M. Macron, hostile à la déchéance de nationalité, ne ferme aucune porte : «s'il est avéré que ce que permet l'état d'urgence, à savoir les perquisitions administratives, se justifie compte tenu de la menace et du niveau de risque, je le maintiendrai, s'il est avéré qu'il ne sert plus à rien (....) je le suspendrai», a-t-il déclaré à Mediapart, vendredi.