Comme Francy Blackwood, touriste américaine qui voulait rapporter «un morceau de Paris», plusieurs centaines d'amoureux de la capitale ont participé samedi à Paris à la vente aux enchères des «cadenas d'amour» des ponts de Paris, vente «solidaire» au bénéfice des migrants.
«Il n'y a pas de montage, il est d'origine, c'est une tour Eiffel accrochée au cadenas !» lance Olivier Collin du Bocage, le commissaire-priseur qui dirigeait la vente de 165 lots de ces cadenas, gages de fidélité que des amoureux avaient accrochés en y inscrivant leurs prénoms.
La vente a totalisé 250.000 euros après quatre heures d'enchères pour lesquelles quelques centaines de personnes s'étaient déplacées, par roulement, au Crédit Municipal de Paris. 150 «grappes» et quinze morceaux de grilles du Pont des Arts recouvertes de cadenas étaient proposées aux amateurs comme Francy Blackwood qui avait, «il y a six ans, accroché un cadenas» et voulait ramener «un morceau de Paris» à San Francisco.
Très médiatisées, ces enchères étaient également suivies en ligne sur le site Interenchères et au téléphone par «400 inscrits», avait dit le commissaire-priseur à la presse avant l'événement. «Il y a beaucoup, beaucoup d'Américains. Ce sont des grands amoureux de Paris, mais il y a aussi des Italiens, des Brésiliens, des Asiatiques de Taïwan, Corée, Chine, Japon.»
Le «French Lover» part à 2.400 euros. Un lot en «pavé de Paris, de 7 kg avec le socle !» est vendu 1.000 euros en quelques secondes.
Une «œuvre collective»
Gaëlle Salaün, de Paris, a acheté 520 euros un lot «parce qu'il y avait un nom en espagnol dessus». «Cela m'a plu. Et c'est aussi ma participation à l'action pour les réfugiés». Jérôme Mellerio et son épouse ont acheté quatre «grappes» : «Que la vente aille au milieu associatif nous a touchés», dit-il, «et les cadenas sont mis en valeur».
James Velaise, de Paris, a acheté 11.000 euros une grille du Pont des Arts qui finira «dans le jardin d'une ferme de l'Aveyron. Ça a survécu en plein air à Paris, ça survivra là-bas», sourit le collectionneur d'art qui aime cette «œuvre collective, qui a de l'histoire». Quelques minutes plus tard, le Franco-britannique achète le plus gros lot, une grille de 3,20 m de long et 650 kg, pour un peu moins de 8.000 euros.
«Vous avez eu des ‘Nuances de Grey’», lance le commissaire-priseur, «vous avez maintenant ‘L'Amour Enchaîné’. 650 euros, 700, vous pouvez faire un don supplémentaire, c'est pour Emmaüs ! adjugé 800», lance-t-il.
Exposition des #cadenas avant leur vente aux enchères au bénéfice des réfugiés:Paris, ville de solidarité et d'amourhttps://t.co/Uo6N8Lqwfy pic.twitter.com/sHKtL3oNms
— Bruno Julliard (@BrunoJulliard) 9 mai 2017
Les bénéfices de la vente devaient en effet aller à trois associations mobilisées dans l'accueil et l'accompagnement des réfugiés accueillis par la Ville de Paris : Solipam, l'Armée du Salut et Emmaüs Solidarité.
Les identitaires perturbent la vente
Pour dénoncer cet objectif, une dizaine de militants d'extrême droite se sont brièvement introduits dans la salle pendant la vente. «Génération Identitaire ! L'argent aux Parisiens, pas aux clandestins !» ont-ils scandé pendant quelques minutes en déployant une banderole portant le même slogan, avant d'être évacués sans ménagement et sans incident.
«La balançoire», «Sur un Air de Paris», «Sur les pavés de Paris», «From Paris with Love», noms donnés aux lots rassemblés par couleurs ou par formes, sur des socles en pavé, en bois ou plexiglas, partent à des centaines d'euros, souvent proches du millier.
«C'est formidable, c'est beaucoup d'humanité», se félicite Bruno Morel, directeur général d'Emmaüs Solidarité. L'association consacrera sa part à la construction d'aires de jeux pour enfants au centre d'accueil qu'elle gère à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Des centaines de milliers de ces cadenas étaient accrochés aux grilles des ponts de Paris, engendrant des problèmes de sécurité et dégradant le patrimoine, avant leur enlèvement. La mairie de Paris a décidé d'en vendre une petite partie, pour cette seule et unique occasion.