L'ancien frondeur du Parti Socialiste Benoît Hamon a remporté la primaire de la gauche en devançant largement Manuel Valls. Son programme pour l'élection présidentielle est fait de propositions emblématiques.
L'ancien ministre de l'Education a dévoilé les grandes lignes de son programme, qui vise notamment, selon ses propres termes, à «permettre aux Français de reprendre en main leur destin» et à «inventer une société où l'accomplissement n'est pas dans le travail». Un objectif qu'il souhaite notamment atteindre grâce au revenu universel, qui doit faire que le travail soit «choisi, et non plus subi».
Amender la Loi Travail
Benoît Hamon avait estimé il y a quelques mois que que la loi Travail «a été faite uniquement pour les gens qui sont heureux d'aller bosser le matin». Lorsque le texte avait été adopté, il s'était déja montré très critique, estimant que «avec la Loi Travail, on travaillera plus en gagnant moins», et que de plus ces baisses de salaires n'entraîneront pas de créations d'emplois.
Invité du «Grand Jury», dimanche 19 février, sur RTL, Le Figaro et LCI, il a fait savoir qu'il souhaitait mettre en place «une nouvelle loi Travail», estimant que certaines mesures comme le compte personnel d'activité, le droit à la déconnexion, ou encore la garantie jeune allaient dans le bon sens.
Mettre en place un revenu universel d'existence
Afin de prendre en compte les évolutions de la société et la robotisation croissante des emplois (45% selon certaines études, notamment ceux qui impliquent des tâches répétitives, mais également nombre d'autres emplois dans le domaine des services, comme les coursiers, les caissières, les chauffeurs de taxi...), Benoît Hamon affichait, dans le cadre des primaires à gauche, sa volonté de mettre en place un revenu universel de 750 euros par mois pour tous les citoyens majeurs, qu'ils travaillent ou non.
Il a ensuit revu son projet et présenté une nouvelle mouture. Hamon propose désormais un revenu universel d'existence (RUE) pour tous les adultes entre 18 ans et l'âge de la retraite, gagnant moins d'1,9 smic. Soit 2812 euros brut ou 2185 euros net. La somme versée pourrait s'élever jusqu'à 600 euros chaque mois. Un couple pourrait bénéficier du RUE à condition que les deux revenus cumulés soient inférieurs à 3,9 smic. Au total, près de 30% de la population serait concerné.
Evaluée à 35 milliards d'euros pour sa première étape, la mesure sera financée grâce à une réorientation de 10 milliards d'euros des crédits alloués au CICE (Crédit impôt compétitivité et emploi) et au Pacte de responsabilité, et par du déficit (et non plus, comme M. Hamon l'affirmait dans la primaire, par une réforme de la fiscalité du patrimoine).
A lire aussi : Tout savoir sur Benoît Hamon
L'idée du revenu universel (également appelé «revenu de base») a fait ces dernières années l'objet de nombreuses expériences sur des petites échelles, comme récemment en Finlande. L'idée est de permettre d'éliminer le chômage en partageant les emplois disponibles, dont une partie à été détruite irrémédiablement, sans être remplacée.
Les différentes études ont montré que le revenu minimum n'incitait pas ses bénéficaires à cesser toute activité, mais plutôt à réduire leur temps de travail pour privilégier d'autres activités pas forcément rémunératrices (s'occuper de sa famille, faire du bénévolat, se consacrer à des activités sportives ou artistiques...). Et les principaux bénéficiaires étaient les femmes, les jeunes, ainsi que les plus pauvres.
Le coût de cette mesure en France est chiffré par Benoît Hamon à 300 milliards d'euros par an. «C'est beaucoup mais quand la France d'après-guerre a créé la Sécurité sociale, c'était une mesure équivalant à son PIB», a expliqué le candidat.
Il serait couvert par des «fusions ciblées» avec les minima sociaux (dont le coût est de 23 milliards d'euros), les aides au logement (18 milliards), et les prestations familiales (53 milliards). Benoît Hamon souhaite également retirer 24 milliards d'euros de l'individualisation de l'impôt sur le revenu et s'attaquer aux niches fiscales (84 milliards d'euros) et à l'évasion et l'optimisation fiscales (80 milliards d'euros, selon lui).
De plus, permettre aux citoyens de s'occuper de leurs familles, par exemple, impliquerait des économies en matière de santé, alors que le temps libre dont ils disposeraient les inciterait à consommer davantage.
Réduire le temps de travail
La réduction du temps de travail serait permise par la mise en place du revenu universel. «On sait que nous allons avoir un bouleversement grâce à la révolution numérique. Mon analyse c'est que dans beaucoup de domaines le travail va être beaucoup plus rare, il doit donc être partagé», explique Benoît Hamon.
«Notre modèle de développement est dépassé, on court derrière un demi-point de croissance et on lui sacrifie le code du travail et nos modèles sociaux», a estimé Benoît Hamon sur France 2. «Je pense que le travail, c’est important, et j’ai lutté pour faire reconnaître le burn-out mais il faut reprendre la marche vers la réduction du temps de travail à la fois pour le bien-être au travail et pour la réduction du chômage. En raison de la révolution numérique, 43 % des emplois en France seraient menacés», explique le candidat.
Benoît Hamon souhaite que le syndrome d’épuisement professionnel, dit «burn-out», soit reconnu comme une maladie professionnelle.
Taxer les robots
C'est une idée qui avait déja été défendue dès la fin des années 60 par un certain Michel Rocard. L'idée est la suivante : puisque les robots remplacent progressivement nombre d'emplois (caissières dans les supermarchés, et bientôt livreurs et chauffeurs de taxi), pourquoi ne contribueraient-ils pas à la redistribution des richesses ? Benoît Hamon souhaite ainsi fixer aux robots un salaire fictif sur lequel l'Etat prélèverait un impôt réel. Un revenu qui permettrait de financer d'autres mesures, notamment le revenu universel.
Passer à la VIe République
Juegeant les institutions de la Ve République obsolètes, Benoît Hamon veut passer à une VIe République qui donne notamment plus de poids au Parlement, afin de mettre fin à la «monarchie républicaine» et au «mythe de l'homme providentiel», comme il qualifie le poids donné actuellement au président de la République. L'ancien ministre prône un mandat unique de sept ans pour le président, qui serait responsable devant le Parlement. Il souhaite également introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives, et prendre en compte le vote blanc. Enfin, il veut réformer le Sénat.
Mettre en place un 49.3 citoyen
Dans la cadre de la mise en place de cette VIe République, Benoît Hamon veut instaurer un «49.3 citoyen». Concrètement, cette mesure permettrait à 1% des électeurs (soit 450.000 personnes) de demander l'examen ou la suspension de l'application d'une loi.
Donner plus de moyens à l'éducation
L'ancien ministre de l'éducation souhaite recruter 40.000 enseignants et créer un service public de la petite enfance afin de permettere à tous les parents de faire garder leurs enfants. Il ambitionne également de consacrer 1% du PIB national à la culture.
Donner la priorité à l'écologie
Avec la volonté de remettre l'écologie au coeur de la politique, Benoît Hamon souhaite notamment sortir du diesel à l'horizon 2025 et atteindre 50% d'énergies renouvelables en 2025. Il souhaite également lancer un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments publics et privés, ou encore réduire la place du nucléaire, tout en conservant l'interdiction de l'exploitation des gaz de schiste. Il souhaite également négocier au niveau européen pour que 400 millions d'euros de la PAC soient consacrés à l'agroécologie.
Instaurer des visas humanitaires pour les réfugiés
Benoît Hamon souhaite que la France montre plus de «solidarité» envers les réfugiés en augmentant son aide financière, en développant les «visas humanitaires» et en accordant un «droit au travail» pour les nouveaux arrivants. «Nous n'accueillons que 0,12% de notre population, en deçà de la moyenne européenne de 0,20%», a-t-il déploré, évoquant notamment la situation à Alep. Le candidat souhaite également que «la France augmente le niveau de sa contribution» au Programme alimentaire mondial, et veut «en finir avec les accords du Dublin, qui veulent que la Grèce et l'Italie supportent le poids de l'accueil des réfugiés».
L'ancien ministre de l'Éducation compte «développer les visas humanitaires», «pour que ceux qui ont décidé de venir en Europe (...) ne le fassent pas dans des conditions où ils risquent leur vie». Il souhaite également multiplier par deux le nombre de places en CADA (Centre d'accueil de demandeurs d'asile).
Le député des Yvelines souhaite que la France s'inspire du «modèle allemand ou nordique» concernant l'accueil des réfugiés : «En Suède par exemple, on pratique un accueil bienveillant des migrants, avec la possibilité d'apprendre la langue, de s'insérer dans le monde du travail», a-t-il souligné.
Légaliser le cannabis
Dénonçant l’«hypocrisie» de la répression, coûteuse et inefficace, le député des Yvelines propose de légaliser le cannabis et de confier sa distribution à l’Etat, pour «tarir l’économie souterraine et les violences». Comme le tabac et l'alcool, le cannabis rapporterait également d'importantes rentrées fiscales à l'Etat.
Prisons : sortir de la «culture de la détention»
Admettant qu'il faut «améliorer les conditions d'incarcération» dans les prisons, Benoît Hamon estime que «ce n'est pas en construisant de nouvelles places qu'on règlera le problème» et qu'il fallait d'abord sortir de la «culture de la détention». Le député des Yvelines a plaidé pour un renforcement des «moyens du Spip» (service pénitentiaire d'insertion et de probation) et souligné que, «pour qu'une peine soit efficace, il faut accompagner et préparer la réinsertion des détenus».
Benoît Hamon souhaite aussi que «tous les établissements pour peine soient équipés d'unités de vie familiale» et que «des bureaux de vote soient installés dans les prisons». Il propose également une revalorisation de l'aide juridictionnelle avec l'objectif de tendre «au niveau du Smic». Pour la financer, Benoît Hamon a imaginé d'instaurer une «contribution de solidarité pour les cabinets d'avocats qui ne font pas d'aide juridictionnelle».
Société : des droits pour tous
Benoît Hamon souhaite aligner le congé paternité sur le congé maternité, afin de ne pas faire porter à la mère la charge de l'enfant. Il veut également étendre la PMA aux femmes seules et aux couples homosexuels, autoriser les demandeurs d'asile à travailler ou encore créer un visa humanitaire pour une protection temporaire.
Le candidat souhaite également mettre en place un système pour faire face aux discriminations. «Je créerai un nouveau service public, la brigade de lutte contre les discriminations. Ce corps de contrôle vérifiera régulièrement les pratiques des structures publiques et privées en matière de discrimination (d’égalité femmes-hommes, accessibilité pour les personnes handicapées, discriminations à l’embauche et plafond de verre, traitement inéquitable des clients ou usagers…)», indique-t-il dans son programme.
Benoît Hamon souhaite instaurer le droit de vote des étrangers pour les élections locales, ainsi qu'un 49.3 citoyen et l'organisation d'un référendum sur la reconnaissance du vote blanc.
Un plan pour une «alimentation de qualité»
Benoît Hamon souhaite faire de l'alimentation un enjeu majeur. Le candidat a ainsi présenté lundi 13 février un plan en dix mesures en ce sens. Il souhaite notamment interdire les perturbateurs endocriniens (des molécules présentes dans certains aliments et agissant sur l'équilibre hormonal), les nanoparticules et les pesticides dangereux. Les pesticides seraient également homolgués par le ministère de la Santé.
Le candidat veut également faire en sorte que les cantines soient approvisionnées en produits bio à hauteur de 50% d'ici à 2025, que des «rémunérations pour services environementaux» des agriculteurs soient distribuées, ou encore la mise en place d'un Comité national d'éthique des abattoirs. Autre chantier sur lequel il souhaite avancer, celui de l'étiquetage nutritionnel.
Privilégier le «Made in France»
Benoît Hamon a précisé le 16 mars qu'il souhaitait «réserver la priorité au made in France. 50% des marchés publics seront réservés aux petites et moyennes entreprises», évoquant également la «possibilité d'une nationalisation temporaire» de plusieurs entreprises.
Cette mesure n'est pas sans rappeler les idées d'Arnaud Montebourg, ami de Hamon et ancien candidat à la primaire de la gauche, où il était arrivé troisième avec un peu moins de 18% des voix. «Je suis le candidat du pouvoir d'achat, de la feuille de paie», a déclaré Hamon.
Augmenter le smic
Le candidat propose d'augmenter «le smic et les minimas sociaux». Il promet qu'il passera «de 1.150 à 1.350 euros net», précisant que le gain serait donc de deux cents euros par mois.
Lutter contre la fraude fiscale
Benoît Hamon a indiqué que pour lui, la luttre contre la fraude et l'évasion fiscale devait être une «priorité». Il a expliqué qu'il voulait «faire sauter le verrou de Bercy» : il souhaite donner plus de liberté à la justice, pour qu'elle puisse poursuivre les fraudeurs fiscaux sans avoir à demander l'accord à Bercy.
Il souhaite taxer les super-profits des banques : «Elles s'acquitteront de 5 milliards d'euros sur les super-profits qu'elles réalisent».
Créer un «statut de l'artiste»
Il souhaite créer «un statut de l'artiste pour ceux qui n'ont pas accès à l'intermittence», comme il l'a précisé à la maison de l'architecture le 16 mars 2017.
Famille et éducation
Benoît Hamon veut également «élargir» le droit aux allocations familiales dès le premier enfant. Selon lui, «la prime à la naissance ne suffit pas pour accueillir dans de bonnes conditions l'arrivée d'un premier enfant». Il souhaite limiter à vingt-cing le nombre maximum d'élèves par classe, et augmenter le nombre d'instituteurs en France : «Je recruterai 40.000 enseignants en cinq ans», a-t-il précisé.
Concernant les personnes âgées, il veut augmenter le minimum vieillesse de 10%, et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de 30%. Il souhaite également créer des maisons de santé dans les déserts médicaux qui emploieraient des médecins salariés. Il s'agit là d'une ancienne proposition d'Arnaud Montebourg.