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La semaine de Philippe Labro : l’heure de vérité, le temps des rêves

Le feuilleton de la présidentielle se déroule au rythme des «séries télé» américaines.[GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

LUNDI 6 MARS

De retour d’un voyage à l’étranger, je retrouve le feuilleton présidentiel. Il se déroule au rythme des «séries télé» américaines. Trop de politique, direz-vous ? Sans doute, et c’est une des questions que l’on se pose quand on revient de loin : sommes-nous en train d’atteindre le point de lassitude ? Autres questions : comment, en une quarantaine de jours, peut-on rattraper sept points de retard ? Ainsi, de Fillon par rapport à Macron. Les courbes peuvent-elles encore se croiser ? A quel moment, quel jour, l’opinion publique va-t-elle se «geler», se solidifier ?

J’attends beaucoup des débats télévisés, puis du duel entre les deux finalistes, ces instants de vérité crus, forts, parfois stupéfiants dans la vindicte (Mitterrand face à Chirac), sidérants dans l’étonnement muet (Sarkozy face au «Moi, président…» de Hollande), déstabilisants (la «colère» de Ségolène Royal face à Sarkozy), parfois brillantissimes (au point que les duels Giscard d’Estaing-Mitterrand devinrent des sujets de pièces de théâtre), toujours marqués du sceau de cette réalité : il se passe, à un moment, quelque chose de décisif. La bascule qui emporte vers la victoire ou la déconfiture. Non, ce n’est pas terminé, mesdames et messieurs, le spectacle ne s’arrête qu’au cinquième acte.

MERCREDI 8 MARS

Et, reçues depuis l’étranger, certaines informations conduisent vers la nostalgie, les souvenirs – ainsi ai-je appris la disparition de Raymond Kopa, puis celle de Jean-Christophe Averty. Aucun rapport entre les deux hommes – à ceci près qu’ils ont, tous les deux, enchanté les Français d’une certaine époque. Kopa, petit et souple, ondoyant, le grand «dribbleur» des années 1950, celui qui emmena une troupe d’inconnus jusqu’en demi-finale de la Coupe du monde 1958, en Suède. Un génie de la passe, du positionnement, du regard qui voit plus loin que les autres, ce qui lui permet de juger là où il doit placer le ballon. Il passait la balle, et Fontaine marquait le but : c’était aussi simple que cela ! Ou du moins, cela paraissait simple. Comme toujours en sport, ou en spectacle, ce qui semble facile relève d’une somme extraordinaire de travail, de réflexion, de persévérance, d’humilité. Vincent Duluc a consacré un remarquable article, dans L’Equipe, à ce fils de mineur polonais (son nom complet était Kopaszewski) devenu le père spirituel de Platini et de Zidane.

Averty, quant à lui, Jean-Christophe le zézayeur (il parlait avec plusieurs mèches de cheveux sur la langue), le dérangeur, le réalisateur de télévision le plus créatif, inventif, subversif, encyclopédique dans sa connaissance de la chanson, du jazz, de la variété, puits d’une culture qui allait bien au-delà de la musique, demeura inégalé dans la multiplicité de son utilisation des techniques vidéo et de l’incrustation. La virtuosité technique n’est rien sans le processus de création d’un homme un peu «cinglé», une incongruité dans le monde de la télé des années 1960. Je le revois dans les couloirs de cet endroit mythique qu’on appelait «Cognacq-Jay», alors qu’il était en cours de montage pour Cinq colonnes à la une – eh ! oui, il fit, aussi, du reportage. Il avait l’air d’un enfant indiscipliné, avec cette attitude un peu isolée de l’inventeur, du précurseur, de celui qui sort du rang. Il était, comme tous les artistes, dévoré par l’anxiété, l’impatience, l’insatisfaction. Jean Rostand a écrit : «Le génie artistique peut consister à faire accepter l’inacceptable.» 

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