C'est la première bavure mortelle au Flash-Ball répertoriée en France : un policier marseillais, qui avait tué en 2010 un homme de 45 ans en faisant usage de cette arme lors d'une interpellation mouvementée, sera fixé sur son sort vendredi.
Devant le tribunal correctionnel de Marseille, qui doit rendre son délibéré, le procureur avait récusé toute «légitime défense», requérant 18 mois de prison avec sursis pour «homicide involontaire» à l'encontre de Xavier Crubezy. «Je n'ai absolument pas tiré pour tuer», a de son côté assuré le fonctionnaire à l'audience. Disant regretter «les tragiques conséquences de (son) tir», le gardien de la paix, qui exerce aujourd'hui dans les CRS, a dit n'avoir pas eu d'autre choix que de faire usage de cette arme, présentée comme non-mortelle.
A lire aussi : Flash-Ball : l'Intérieur s'oppose à un moratoire
Le fonctionnaire avait atteint au niveau du thorax, avec un projectile, Mustapha Ziani, un résident d'un foyer de travailleurs qui venait de blesser l'un de ses voisins à coups de couteau, s'était retranché dans sa chambre et avait jeté une tasse à la face du policier. Il était décédé le lendemain d'un arrêt cardiaque.
«Pour moi, quand j'ai tiré, la légitime défense était établie», a assuré le policier à la barre : «On savait qu'il y avait des couteaux qui traînaient, qu'il pouvait s'en servir. (...) Il se montrait virulent face à nous (...) On a essayé de capter son regard, son attention, pour qu'il se calme et que la tension redescende». «Vous étiez trois fonctionnaires de police face à un individu acculé contre le mur, armé d'un verre et d'un mug !», lui a rétorqué Me Chehid Selmi, avocat de la fille de la victime.
Distance minimale non respectée
L'enquête a démontré que Xavier Crubezy, pourtant formé, avait utilisé son Flash-Ball à environ 4,40 m alors que l'administration exige une distance minimale de 7 m. «La police n'est pas une science exacte. Quand ça arrive, on n'a pas le temps de la réflexion», a tenté de se défendre le policier, qui utilisait le Flash-Ball pour la première fois lors d'une intervention. «Je pardonne au policier», a déclaré lors de l'audience la fille de la victime, Nabila Ziani, mineure au moment des faits, et éprouvée par les longues années de marathon judiciaire qui avaient conduit à cette audience.
A lire aussi : Flash-ball : l'Etat condamné
L'affaire, à rebondissement, est en effet remontée jusqu'à la Cour de cassation. L'enjeu : savoir s'il s'agissait d'une violence volontaire ayant entraîné la mort mais sans intention de la donner, crime passible de la cour d'assises, comme l'avaient estimé plusieurs magistrats, ou d'un homicide involontaire. Loin du décor solennel des assises et de ses jurés populaires, ce dossier d'homicide a finalement été examiné par le tribunal correctionnel de Marseille, après un cambriolage, un conflit de voisinage et un vol de cartes postales au Vieux-Port.
Ce procès était attendu par les tenants d'une interdiction des lanceurs de balles de défense (LBD), la famille d'armes à laquelle appartient le Flash-Ball. L'Association des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), qui en demande l'interdiction, recense 42 blessés graves et un décès liés à l'usage de cette famille d'armes, depuis leur introduction en France. Quelques procès se sont tenus pour des blessures graves, débouchant sur de la prison avec sursis.
En janvier, une information judiciaire a été ouverte après la mort, lors de son interpellation à Auxerre, d'un homme de 37 ans en pleine crise de démence: lors de leur intervention, les policiers avaient notamment fait usage de leur Flash-Ball, qui n'avait pas suffi à maîtriser le forcené, finalement maîtrisé au sol. Les agents avaient ensuite constaté qu'il faisait un arrêt cardiaque.
Considérés comme imprécis lors du tir, les Flash-Ball, qui projettent des balles en caoutchouc à 360 km/h, sont en cours de remplacement par d'autres lanceurs dans la police nationale, mais certaines polices municipales, par exemple, continuent de s'en équiper, déplore l'ACAT.