À Cannes, une femme a été verbalisée par la police municipale parce qu’elle portait un hijab. Les policiers lui ont laissé le choix de quitter la plage ou de payer une contravention. Le maire soutient la démarche.
Siam, mère au foyer de 34 ans et ancienne hôtesse de l’air, a connu mardi 16 août une mésaventure qui pourrait se répéter dans les semaines à venir. Installée sur la plage de la Bocca, à Cannes, pour ses vacances, elle porte un legging, une tunique et un hijab, c’est-à-dire un voile qui ne couvre que ses cheveux. Pas de burkini donc, cette tenue qui crée en ce moment la polémique à mesure que des villes françaises (dont Cannes) l’interdisent.
A lire aussi : Arrêté anti-burkini : le Conseil d'Etat tiendra une audience publique jeudi à 15h
«Elle portait un simple hijab sur les cheveux»
Pourtant, trois policiers municipaux se rapprochent de la famille. Mathilde Cusin, journaliste à France 4 est témoin d’une scène qu’elle a raconté à L'Obs : «J’ai vu deux policiers en train de regarder la plage. Deux d’entre eux avaient le doigt sur la gâchette de leur bombe lacrymo, sans doute au poivre. Ça m’a interpellé. Puis je les ai vu traverser la plage vers une femme voilée, elle portait un simple hijab sur les cheveux».
Une policière s’adresse alors à Siam, lui demandant si elle est au courant de l’arrêté relatif au burkini à Cannes. La jeune femme lui répond que non, qu’elle n’a pas suivi les différentes polémiques. «Elle m’a lu la moitié de l’arrêté, l’air un peu gêné, me disant que les personnes présentes sur la plage devaient porter une ‘tenue décente’». Siam et sa famille, comprenant que c’est le voile qui pose problème, demandent aux policiers leur définition d’une tenue correcte. Ces derniers lui répondent alors qu’elle peut rester sur la plage si elle met son foulard «sous forme de bandeau autour de la tête». La jeune femme refuse alors de se dévêtir et de quitter la plage.
«Ici on est catholiques»
Siam parle d’une humiliation, raconte que ses enfants «étaient en pleurs». De fait, très rapidement se crée un attroupement autour de la famille et des policiers. Certains prennent sa défense, d’autres profitent de l’occasion pour laisser libre cours au racisme. «La parole raciste s’est totalement libérée. J'étais abasourdie», raconte Siam à L'Obs, «j’ai entendu des choses que l’on ne m’avait jamais dites en face comme ‘rentrez chez vous !’, ‘Madame, la loi c’est la loi, on en a marre de ces histoires’, ‘Ici on est catholiques’».
Mathilde Cusin appuie cette version, racontant que «les gens lui demandaient de partir ou d’enlever son voile, c’était assez violent». Elle raconte son impression «de voir une meute s’acharner sur une femme assise au sol en pleurs avec sa fillette».
A lire aussi : Quelles sont les villes qui interdisent le burkini ?
Le «climat actuel»
Siam déclare alors aux policiers qu’ils lui mettent une contravention parce qu’elle est «musulmane», ce à quoi elle assure que les policiers lui ont répondu : «dans le climat actuel, vous comprenez, on est obligés de verbaliser». Sa réponse est un cri du cœur : «Parce que des gens qui n’ont rien à voir avec ma religion tuent, je n’ai plus le droit d’aller à la plage ! Parce qu’ils commettent des attentats, on me prive de mes droits. On est en France, je peux tout de même circuler où je le souhaite ! C’est aberrant».
Une indignation qui ne changera rien, refusant de quitter la plage, la jeune femme se voit contrainte de payer une amende de 11 euros pour pouvoir continuer à profiter de ses vacances en famille. Des vacances finalement raccourcies. De fait, la personne qui les logeait leur a visiblement demandé de ne pas prolonger leur séjour à Cannes, par «honte» principalement.
Le maire soutient la police municipale
Siam a longuement hésité à parler de sa mésaventure, avant de se décider à témoigner. «J’ai bien réfléchi. Je me suis dit que l’on ne pouvait pas laisser passer ça dans notre pays. Le pire, c’est que je suis un peu 'Française de souche' ! Mes parents sont français, mes grands-parents sont français … Quand on me dit 'rentre chez toi', ça me fait doucement rigoler, c’est vraiment du racisme pur et dur». Selon elle, les policiers ont été appelés par des gens sur la plage. Une impression confirmée par un glacier travaillant sur la plage, qui lui a confirmé que les policiers se sont dirigés droit sur elle, sans aucune hésitation.
Le maire de Cannes soutient pour sa part pleinement l’action de policiers municipaux. À ses yeux, «les policiers municipaux font leur travail. Ils ont estimé que la tenue de cette femme n'était pas conforme à l'arrêté. Celui-ci ne désigne pas une tenue en particulier mais toutes celles qui sont ostentatoires. L'arrêté est très simple, je ne vais pas commenter un cas particulier. Si cette femme estime qu'elle est victime d'une erreur, qu'elle conteste la contravention auprès du ministère public». Siam envisage pour sa part de porter plainte contre la Mairie de Cannes.