Alors que la Cour de cassation a considéré jeudi 30 juin qu'il y avait bien eu «fraude» dans l'octroi de plus de 400 millions d'euros à Bernard Tapie dans son litige avec le Crédit lyonnais, retour sur ce dossier vieux de vingt trois ans.
15 février 1993
Après avoir accepté un poste ministériel sous François Mitterrand, Bernard Tapie vend Adidas, dont il est propriétaire, à un groupe d'investisseur, pour la somme de 315,5 millions d'euros. Parmi les acheteurs figure le Crédit lyonnais. Seulement, un an plus tard, l'homme d'affaires est placé en liquidation judiciaire.
Dans le même temps, Adidas passe sous le contrôle de Robert Louis Dreyfus, pour 701 millions d'euros. Bernard Tapie dénonce alors la manoeuvre et demande 229 millions d'euros au Crédit lyonnais. Quelques années plus tard, en 1999, l'ancien patron de l'OM réclame 990 millions d'euros au motif de «montage frauduleux».
30 septembre 2005
Après une longue procédure devant la justice, la Cour d'appel de Paris condamne le Consortium de Réalisation (CDR), l'organisme public gestionnaire du passif du Crédit Lyonnais, à verser 135 millions d'euros à Bernard Tapie. Mais l'année suivante, l'arrêt est annulé par la Cour de Cassation.
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25 octobre 2007
Après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, Christine Lagarde devient ministre de l'Economie. Elle demande alors au CDR d'avoir recours à une médiation privée pour mettre fin à cette affaire. Un tribunal arbitral est alors saisi.
11 juillet 2008
Les conclusions du tribunal arbitral sont largement favorables à l'homme d'affaires. Il condamne le CDR à verser 285 millions d'euros à Bernard Tapie, soit 404 millions avec les intérêts.
4 août 2011
Rapidemment après la décision du tribunal arbitral, Christine Lagarde, entre temps nommée à la tête du FMI, cristalise les critiques. La Cour de Justice de la République, juridiction chargée des dossiers concernant les infractions commises par les membres du gouvernement, ouvre une enquête sur l'ancienne ministre de l'Economie.
Soupçonnée de «complicité de faux» et «complicité de détournement de biens publics», Christine Lagarde est finalement mise en examen pour «négligence» en août 2014.
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18 septembre 2012
Une information judiciaire est ouverte pour «usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de délit» au préjudice du CDR. En clair, les magistrats s'interrogent sur la décision prise par le tribunal arbitral en 2008. La justice veut savoir si le gouvernement a influencé les arbitres.
29 mai 2013
La justice ordonne la mise en examen de plusieurs acteurs de l'arbitrage. Pierre Estoup, l'un des trois juges arbitraux, est ainsi inquiété pour «escroquerie en bande organisée». De même, Stéphane Richard, l'ancien directeur du cabinet de Christine Lagarde, ainsi l'avocat Maxime Lantourne sont mis en examen. Bernard Tapie est, lui, convoqué par la justice en mai 2015 pour «détournement de fonds publics».
17 février 2015
La cour d'appel de Paris annule l'arbitrage de 2008 et reprend le dossier. Le 3 décembre de la même année, elle condamne l'homme d'affaires à rembourser les 404 millions d'euros obtenus à l'issue de la décision des arbitres. Bernard Tapie se dit alors «ruiné».
17 décembre 2015
Christine Lagarde est finalement renvoyée devant la Cour de Justice de la République, pour son rôle dans la demande d'arbitrage, alors qu'elle était ministre de l'Economie.
30 juin 2016
La Cour de cassation valide définitivement l'annulation de l'arbitrage. La Haute juridiction estime ainsi dans son arrêt que la cour d'appel de Paris a eu raison d'annuler en février 2015 la décision des arbitres, au vu, selon elle, du «concert frauduleux ayant existé entre l'un des arbitres, Pierre Estoup, et M.Tapie». Maurice Lantourne, l'avocat de l'homme d'affaires, aurait en effet caché avoir travaillé sur plusieurs dossiers avec Pierre Estoup.
Mais Bernard Tapie n'a pas pour autant dit son dernier mot. Il a déposé un autre pourvoi en casation contre un arrêt, rendu en décembre dernier, le condamnan à rembourser la somme. Il sera bientôt examiné par la Cour de Cassation.