Nabilla Benattia, 24 ans, comparaît ce jeudi 19 mai pour violences sur son compagnon. Au commencement était la téléréalité, une tirade téléphonée, une célébrité soudaine, persiflée mais rentabilisée, avant ce fait divers un soir de novembre 2014 et quelques semaines en prison.
D'abord promise à un quart d'heure warholien de célébrité, la Franco-Suisse n'a cessé de gagner en notoriété depuis sa participation à une émission de TF1 en 2011, "L'amour est aveugle", et surtout "Les anges de la téléréalité", en 2013. Elle s'y insurgeait, à propos d'une de ses co-équipières qui avait oublié d'acheter du shampooing: "Allô, non mais allô quoi".
Zappings, réseaux sociaux et cours de récréation ont achevé de faire de cette brune d'1,76 m une starlette, entre fascination, rejet et attrait du vide. "C'est un peu le néant, ou le vide. Par contre, elle sort des phrases énormes, elle est drôle. C'est un vide mythique en fait", résume à l'époque Angela Lorente, pionnière de la téléréalité française et productrice de "L'amour est aveugle".
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Une autre émission de téléréalité à son entière gloire, "Allô Nabilla" et une place de chroniqueuse dans l'émission "Touche pas à mon poste" sur D8 ont parachevé l'ascension médiatique de Mlle Benattia, pendant qu'elle déposait à l'Institut national de la propriété intellectuelle ses meilleurs aphorismes et lançait une collection de prêt-à-porter.
Climax de sa carrière: un défilé en juillet 2013 pour Jean-Paul Gaultier. Un choix vertement reproché au couturier français, "y compris au sein de (sa) propre maison de couture", avait-il confié deux ans plus tard en défendant son mannequin, selon lui "pas du tout vulgaire".
Quelques années auparavant, la chirurgie avait transformé la plastique de Nabilla Benattia: "Le monde s'ouvrait devant moi, j'avais peur de ne pas être à la hauteur", confie-t-elle dans son autobiographie, "Trop vite", cosignée avec le journaliste Jean-François Kervéan (éd. Robert Laffont). "Comment assurer? Il me fallait des seins plus gros".
"Fragile" et "mal structurée"
Devenue symbole d'une forme de vacuité, la plantureuse inspire, d'abord, les intellectuels : Alain Finkielkraut en fait l'incarnation de la vanité et la compare avec dédain à "l'art contemporain", qu'il exècre. Ensuite, la classe politique: Jean-Marie Le Pen salue "une belle poitrine" qui "ne (le) laisse pas tout à fait indifférent"; le ministre des Finances Michel Sapin se flatte que la starlette cite son nom dans une interview: "Elle a dit Sapin! Il faut que je lui téléphone... Allô quoi!".
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La sociologie s'en mêle: "Après tout, ne vaut-il pas mieux taper sur Nabilla que de s'en prendre à son camarade de classe et lui faire subir les pires moqueries? Nabilla est un excellent bouc émissaire collectif", tranche le professeur des universités François Jost.
La réputation se fait toutefois sulfureuse au gré de frasques - crachat au visage d'un agent SNCF, coup de poing à une touriste à Miami -, ou de l'exhumation d'une vieille affaire d'escroquerie en Suisse - qui lui a valu une condamnation par le tribunal pour enfants en 2010.
D'origine italo-algérienne, la jeune femme avait grandi en Haute-Savoie, puis dans un quartier populaire de Genève, après la séparation de ses parents. Dans son livre, elle raconte un père fonctionnaire à l'ONU, dont la droiture a viré au rigorisme, et une mère de moins en moins présente, qui l'avait laissé abandonner l'école à 15 ans pour se lancer dans le mannequinat.
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"Fragile", "mal structurée" et "déstabilisée par la surmédiatisation", selon plusieurs expertises judiciaires, la jeune femme est soupçonnée d'avoir poignardé son compagnon Thomas Vergara, rencontré sur le tournage des "Anges de la téléréalité", à deux reprises en 2014. Mise en examen pour violences avec arme, elle a été placée en détention provisoire pendant six semaines. Elle risque de retourner en prison. Dans son livre, elle dit: "Je préférerais rester à faire ce que j'aime, pas seulement réduite à un rôle d'idiote. (...) Me cultiver enfin."