Est-il mort ou vivant ? Cinq ans après, et malgré près de 900 signalements et des milliers de procès-verbaux, l'énigme sur le sort de Xavier Dupont de Ligonnès, unique suspect de l'assassinat de son épouse et de ses quatre enfants à Nantes en avril 2011, reste entière.
Aperçu pour la dernière fois le 15 avril 2011, quittant à pied un hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens (Var), avec sur le dos un étui pouvant contenir une carabine, "XDDL" reste introuvable. La découverte d'ossements en avril 2015 dans le Var, non loin du dernier endroit où avait été vu le père de famille, puis, quelques mois plus tard, en pleine torpeur estivale, l'envoi d'un courrier à l'AFP, avaient relancé les spéculations sur son sort.
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L'homme soupçonné d'un quintuple assassinat peut-il avoir écrit ce message énigmatique, "Je suis toujours vivant, de là jusqu'à cette heure (sic)", au dos d'une photo de deux de ses fils? Les expertises n'ont pas établi que ce courrier ait pu être écrit par Xavier Dupont de Ligonnès, ni permis d'identifier son auteur. Cinq ans après avoir perdu la trace de l'auteur présumé de cette tuerie, âgé de 50 ans à l'époque, la police judiciaire de Nantes "continue de travailler sur quelqu'un qui est toujours en fuite et qui, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas mort", explique son patron, Jean-René Personnic.
Des signalements ont afflué des quatre coins du monde, près de 900 au total. Plus de la moitié remontent à l'année suivant la découverte des cinq corps de cette famille et la disparition du père et mari des victimes. Le 21 avril 2011, alors qu'il s'apprêtait à "lancer un simple appel à témoins" suite à la disparition inquiétante d'une famille, le procureur de la République de Nantes d'alors, Xavier Ronsin, annonce que l'enquête bascule "nettement sur une qualification criminelle de séquestration et d'assassinats".
Un reste humain sous une terrasse
"Quelques minutes" avant la conférence de presse, "un reste humain (venait d'être) découvert dans le jardin de cette famille sous la terrasse", dira le magistrat aux journalistes.
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Cinq corps sont exhumés. Agnès Dupont de Ligonnès, 48 ans, et ses quatre enfants, Arthur, 21 ans, Thomas, 18 ans, Anne, 16 ans, et Benoît, 13 ans ont été tués à la 22 Long Rifle, vraisemblablement deux semaines plus tôt, entre le 3 et le 5 avril, d'au moins deux balles dans la tête. "Une exécution méthodique", énoncera le lendemain Xavier Ronsin.
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Les médias du monde entier font le siège du 55, boulevard Robert Schuman, une demeure bourgeoise un peu décrépite, au nord du centre-ville de Nantes. Cinq ans ont passé. La quiétude résidentielle du quartier a repris ses droits. Les traces des scellés, apposés des mois sur la porte blanche de la maison, ont disparu sous une nouvelle peinture, bleue-verte, après l'arrivée de nouveaux propriétaires.
La découverte des corps a-t-elle joué dans l'organisation de la fuite de Xavier Dupont de Ligonnès? L'a-t-elle poussé au suicide? "Ce ne sont que des suppositions. On ne sait pas ce qui s'est passé après le 15 (avril 2011, ndlr)", souligne Jean-René Personnic. Avec "six jours de retard" sur le père de famille, les enquêteurs remontent le fil de son emploi du temps, tentent de percer l'énigme. Parallèlement, des dizaines d'"apprentis détectives" participent au jeu de piste, exhumant sur internet des correspondances numériques de "XDDL" et de sa femme, Agnès, postées sur divers forums.
Une affaire "atypique"
Une pincée de "théorie du complot" - née d'un courrier du père à neuf de ses proches, affirmant qu'il allait être exfiltré vers les États-Unis en raison de sa supposée vie d'agent double -, une famille "qui en apparence avait statistiquement peu de chances de connaître la triste fin qui a été la sienne", la "préparation méthodique" et cette "sorte de mise en scène" de la disparition du père "qui devait rester pérenne"... Tels sont les ingrédients de cette affaire "atypique", qui continue de passionner "la France entière et au-delà", estime le directeur de la PJ nantaise.
Avec son "faciès passe-partout", Xavier Dupont de Ligonnès - sous le coup d'un mandat d'arrêt international - a été vu partout, et parfois dans la même journée en Amérique du sud ou en Australie. Chaque signalement est "vérifié systématiquement" et "traité sans délai" par les services de police judiciaire, indique M. Personnic.
Plus rares que les premières années, ils continuent de nourrir les milliers de procès-verbaux du dossier, après chaque article, émission de télévision ou livre sortant sur l'affaire. "Ce n'est pas un dossier que l'on garde dans un coin du bureau, ce dossier est toujours vivant", avec un enquêteur de la PJ dédié, assure M. Personnic, qui s'avoue, encore aujourd'hui, "marqué" par cette affaire. Et les "cinq corps déterrés".