Quarante ans après son premier vol commercial, le Concorde, légendaire supersonique franco-britannique alliant esprit glamour et prouesses technologiques, est une pièce de musée qui inspire nostalgie et même fantasmes de résurrection à une famille de passionnés.
"C'était un avion superbe qui se pilotait comme un avion de chasse. Ca a été pour moi formidable", se souvient Pierre Dudal. Aujourd'hui âgé de 91 ans, cet ancien commandant de bord, qui vit à Cannes, était aux commandes du vol inaugural AF 085 Paris/Dakar/Rio qui, il y a 40 ans, décollait de Paris sous les couleurs d'Air France. Au même moment, un autre appareil de British Airways quittait Londres pour Bahreïn.
A l'image de l'histoire du supersonique, retiré du service en 2003, ce tout premier vol commercial "n'avait pas été de tout repos", se souvient M. Dudal. Alors que l'avion était lancé à la vitesse supersonique de mach 2 (près de 2.200 km/h, soit 1.000 km/h de plus que la vitesse du son) entre 15 et 18.000 m d'altitude, il avait fallu régler "une panne de prise d'air" entre Dakar et Rio provoquant une demi-heure de retard à l'arrivée.
Au menu ce jour-là: whisky, cocktails et champagne, puis caviar, et volaille truffée, entre autres. Le tout arrosé de vins fins et courroné de digestifs, raconte Claude Montpoint, 85 ans, qui vit à Bordeaux. Cet ancien chef de cabine a participé aux vols d'endurance du Concorde pour concevoir un service raffiné et haut de gamme répondant aux contraintes d'un espace réduit et aux exigences d'une clientèle sélecte ayant payé 20% de plus qu'un billet de première classe. Le tout en un temps record.
Fruit d'une collaboration franco-britannique, ce fleuron de l'aéronautique n'avait finalement été écoulé qu'à 14 exemplaires (7 pour Air France et 7 pour British Airways). Au lendemain du choc pétrolier de 1974, sa forte consommation en kérosène et ses coûts de maintenance élevés avaient découragé les acquéreurs. Autre écueil: l'interdiction, finalement levée en février 1976, par les Etats-Unis de survoler le territoire américain à vitesse supersonique.
La crise des transports aériens après les attentats de 2001 puis le crash du Paris-New York d'Air France le 25 juillet 2000 à Gonesse (113 morts) quelques minutes après son décollage sonneront définitivement le glas du supersonique.
"Une passion hors norme"
Ceux qui ont volé et travaillé sur Concorde ont "développé une passion (pour l'avion) qui est hors norme", explique à l'AFP Bernard Charles, 53 ans, membre du Club Concorde et de l'Association des professionnels du Concorde et du supersonique (Apcos).
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Lui-même s'enflamme pour l'"esthétique incomparable" du "bel oiseau blanc" avec ses ailes delta triangulaires, son fuselage fin, sa visière escamotable, ses 108 hublots d'une dimension réduite pour résister à la pression et son fameux nez pointu basculant de 12,5 degrés à l’atterrissage pour permettre une plus grande visibilité au pilote.
Un peu plus de 12 ans après leur mise à la retraite, plusieurs exemplaires sont exposés dans des musées, au Bourget (Musée de l'Air et de l'espace), à Toulouse (Aeroscopia), mais aussi en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Allemagne. Entre prototypes, pré-séries et avions de ligne, la famille Concorde ne compte finalement pas plus de 20 unités construites.
Parmi eux le pré-serie Sierra Alpha, qui le 26 septembre 1973 avait assuré, pour la première fois, la liaison directe Washington-Paris, en 3 heures et 33 minutes. Il est stationné en plein air à Athis Mons, au sud des pistes d’Orly. La corrosion attaque la carlingue, l'eau s'infiltre dans les hublots, s'émeut Pierre Grange, président de l'Apcos. Avec quelques autres passionnés il cherche à réunir des fonds pour le restaurer.
Au Bourget, les visiteurs peuvent monter à bord de deux Concorde, le prototype 001, le tout premier Concorde ayant volé, le 2 mars 1969, piloté par André Turcat, décédé le 4 janvier, et le Sierra-Delta ayant assuré les derniers vols entre Paris et New York.
Outre Manche, l'association "Save Concorde Group" s'est assigné pour mission de faire revoler le Concorde. Un projet ambitieux considéré toutefois par nombre d'experts en France comme totalement utopique.