Comment reprendre une vie normale après les attentats du 13 novembre ? La psychologue Hélène Romano livre quelques conseils.
Docteur en psycho-patologie et spécialiste du psycho-traumatisme, elle est notamment l'auteur, avec Boris Cyrulnik, de "Je suis victime. L'incroyable exploitation du trauma". Elle recommande d'accepter le caractère exceptionnel de la situation, pour soi comme pour ses proches, sans chercher à minimiser les choses ni s'en vouloir d'être angoissé.
Après de tels événements, comment retrouver ses habitudes quotidiennes sans céder à la psychose ?
Il est important d'accepter que cela ne soit pas facile dans un premier temps. Il ne s’agit pas de dire que l’on va retourner au travail comme si de rien n’était, ce serait un leurre. Il ne faut donc pas s’en vouloir d’être angoissé, mais au contraire accepter que les réactions d’anxiété soient adaptées à une telle situation. Nous avons en nous les ressources pour faire face à cette angoisse.
Quelles sont ces ressources ?
Pour les personnes les plus anxieuses, le mieux est de se demander ce qui les rassure habituellement, au quotidien. Ça peut être penser à quelqu’un que l’on aime, toucher un grigri, regarder une photo… Pour se rassurer en allant travailler, on peut par exemple faire le trajet à plusieurs. Si on prend les transports en commun, il faut s’occuper durant le trajet : lire, écouter de la musique…
Quels conseils particuliers donneriez-vous aux proches des victimes ?
Les personnes blessées risquent de garder des séquelles psychiques. Leurs proches vont devoir accepter qu’elles aient besoin d’un temps de réadaptation à la vie. Ça peut être difficile, car on a tendance à attendre des survivants qu’ils soient heureux d’être en vie, et à ne pas comprendre leur traumatisme. Il faut accepter qu’un proche blessé puisse avoir changé.
Et les personnes qui ont perdu un proche ?
Le travail de deuil est compliqué. D’abord, il y a toutes les difficultés inhérentes au deuil, c’est à dire l’obligation de gérer de nombreuses questions pratiques alors que l’on est bouleversé. Mais dans le cas des attentats, il y a une difficulté complémentaire, liée au deuil traumatique : on a perdu un proche de façon violente, et en on a parfois soi-même failli mourir. C’est un peu le même type de situation que pour les survivants d’un accident de la route, par exemple. Le statut des victimes d’attentat est toutefois différent, car ce sont des victimes civiles de guerre. Leurs proches peuvent donc bénéficier d’aide et de soutiens qui peuvent se révéler utiles.
Comment se comporter avec les proches de victimes de son entourage ?
Il ne faut surtout pas forcer la parole, mais simplement rassurer sur le fait qu’on est là. L’idéal est de proposer de se rendre utile, par exemple en allant faire une course ou en gardant les enfants… Il faut bien sûr se montrer disponible si la personne exprime le besoin de parler, mais ne pas insister pour qu’elle le fasse si elle n’en a pas envie. On doit absolument éviter de tomber dans la fascination morbide.
Doit-on s’attendre à une répercussion psychique à long terme pour la population ?
Il peut y avoir dans la population globale une anxiété. Il peut aussi y avoir une transmission intergénérationnelle. On transmet nos représentations, nos peurs, nos projections… Cela peut également entrainer une vigilance à l’égard de certains lieux ou certaines personnes. Pour éviter d’être submergés par ces émotions, les rituels collectifs, comme les commémorations, sont très importants.