Ecoutes, collecte de données... Tour d’horizon d’un texte qui vise à mieux définir les techniques des services de renseignement français.
Trois mois après sa présentation, le projet de loi sur le renseignement s’apprête à terminer son parcours parlementaire. Le texte doit en effet être adopté définitivement aujourd’hui par l’Assemblée nationale. Présenté quelques semaines après les attentats de janvier, et visant notamment à renforcer l’arsenal antiterroriste, il ne s’agit pas pour autant, insiste le gouvernement, d’une loi de circonstances.
De fait, le dernier texte sur le sujet remonte à 1991, une époque où, comme le répète Manuel Valls, Internet et les téléphones portables n’existaient pas. Le projet de loi a donc pour objectif de définir les missions des services de renseignement et d’encadrer légalement leurs pratiques à l’ère du numérique.
De nouvelles techniques pour perfectionner le renseignement
En plus des traditionnelles interceptions de conversations téléphoniques ou d’e-mails, les services de renseignement auront désormais accès à des outils jusqu’alors réservés à la police dans le cadre d’instructions judiciaires, comme la pose de micros ou de caméras chez les suspects.
Ils pourront également recourir à des "keyloggers", qui permettent d’enregistrer ce qu’un utilisateur tape sur son clavier d’ordinateur. Les agents seront en outre autorisés à installer des balises de géolocalisation sur des voitures ou des téléphones portables.
Enfin, ils pourront, sous certaines conditions, recourir à des "IMSI-catchers", permettant d’intercepter toutes les communications (téléphoniques comme électroniques), dans un rayon de plusieurs centaines de mètres.
Une mise en œuvre des dispositifs facilitée
Les agents pourront engager ces procédures de surveillance sur la base d’une simple autorisation administrative, délivrée sous 24 heures par les services du Premier ministre. Jusqu’alors, l’accord d’un juge, dans le cadre d’une enquête en cours, était nécessaire.
Cet assouplissement a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de l’ancien juge antiterroriste Marc Trevidic, qui dénonce "des pouvoirs exorbitants" accordés aux services de renseignement.
Les fournisseurs d’accès à Internet mis à contribution
Les opérateurs internet seront soumis à de nouvelles obligations. Ils devront, entre autres, installer des boîtes noires visant à détecter automatiquement une succession suspecte de données de connexion. Des équipements qui fonctionneront grâce à des algorithmes, permettant de repérer des comportements inquiétants (consultations de pages web consacrées au jihad, à la fabrication d’explosifs, etc.). Le cas échéant, les opérateurs devront signaler ces comportements aux services de renseignement.
Des garde-fous pour encadrer ces nouvelles pratiques
Le texte institue une Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNTC), qui veillera à ce que les services n’outrepassent pas leurs prérogatives. Composé de neuf hauts fonctionnaires, parlementaires ou magistrats, elle sera épaulée par des experts (juristes, informaticiens, cryptologues, etc.). Cette instance sera notamment consultée au moment d’autoriser une procédure de surveillance.
Toutefois, en cas d’urgence décrétée par le Premier ministre, celui-ci pourra donner son autorisation sans l’avis de la commission. Elle pourra néanmoins, de son côté, recommander l’interruption d’une technique de surveillance qu’elle juge irrégulière, voire saisir le Conseil d’Etat si sa recommandation n’est pas suivie.
Un droit de recours devant le Conseil d’Etat pour les citoyens
Les citoyens pourront, eux-mêmes, saisir le Conseil d’Etat, s’ils pensent être surveillés abusivement. Si cette surveillance est confirmée et qu’elle apparaît injustifiée, les informations collectées devront être détruites. En revanche, même si cette surveillance se révèle illégale, les modalités exactes de sa mise en œuvre ne seront jamais dévoilées.
Une juridiction administrative spécialisée devrait être mise en place au sein du Conseil d’Etat pour traiter ce contentieux.