Le chantier de la réforme du collège, qui s'ouvrira mercredi, constitue un dossier sensible pour Najat Vallaud-Belkacem, qui devra manoeuvrer entre les défenseurs des traditionnelles disciplines et les partisans de plus de transversalité dans l'enseignement.
Le projet, qui concerne 3,2 millions de collégiens, sera présenté en Conseil des ministres et discuté avec la communauté éducative pendant un mois. Il doit permettre d'introduire davantage d’interdisciplinarité, c'est-à-dire de travail concerté entre professeurs de plusieurs matières, selon la ministre de l'Education nationale.
La réforme du collège doit entrer en vigueur à la rentrée 2016, en même temps que les nouveaux programmes scolaires et le socle commun rénové, qui définira ce que tout élève doit avoir acquis à seize ans.
Il y aura "une grande autonomie des établissements" et "une grande liberté pédagogique des équipes", a expliqué Mme Vallaud-Belkacem à l'Assemblée fin janvier. Seront introduits des "enseignements complémentaires, dans lesquels plusieurs disciplines pourront se croiser pour être plus parlantes aussi pour les élèves, pour les amener à comprendre des concepts à partir d'un projet concret sur lequel ils auront travaillé avec plusieurs enseignants".
Création de 4.000 postes dans les collèges
La création de 4.000 postes dans les collèges, pour des temps d'accompagnement permettant aux élèves de progresser à leur rythme, est aussi prévue dans la loi sur l'école de 2013, selon des modalités encore inconnues. Les discussions sur le collège devaient initialement démarrer à l'automne 2013.
Une telle réforme "est d'évidence une nécessité", c'est "le lieu du système scolaire qui souffre le plus", estime Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, premier syndicat des chefs d'établissement.
Il est à craindre qu'en attaquant la réforme par les horaires, on retombe sur les clivages habituels, "défenseurs des disciplines contre partisans de la transversalité", indique M. Tournier.
Politiquement, le sujet s'annonce "très compliqué", estime Valérie Marty, présidente de la fédération de parents d'élèves Peep, favorable au principe d'une "réduction des horaires des disciplines pour prendre en compte l'accompagnement des élèves".
20% d'élèves en échec
Le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, "n'acceptera pas tout ce qui pourrait se traduire par une diminution des horaires disciplinaires", prévient Roland Hubert, co-secrétaire général. Il ne veut pas non plus "de regroupement de disciplines dans des ensembles mal définis". 15 à 20% des élèves arrivent déjà au collège "dans une situation difficile", selon lui.
Le syndicat réformiste SE-Unsa souhaite au contraire qu'on dégage du temps "pour travailler autrement, apprendre autrement", explique son secrétaire général Christian Chevalier pour qui, sur un horaire hebdomadaire de 25 heures, "on dégagerait 3-4 heures vraisemblablement".
Par exemple, dans un "parcours citoyen" après l'attentat à Charlie Hebdo, "on peut imaginer que le professeur de français, d'arts plastiques et d'éducation musicale travaillent ensemble", sur la déclaration des Droits de l'Homme, les représentations de Marianne dans l'art et la caricature ou encore la Marseillaise, suggère-t-il.
Depuis la création du "collège unique" en 1975, la France a réussi la "massification", autrement dit scolariser toute une classe d'âge dans une même structure, mais pas la "démocratisation", c'est-à-dire faire réussir tous les élèves malgré leur hétérogénéité.
Le collège "fonctionne globalement bien pour un tiers des élèves, environ 20% sont complètement en échec et le reste va avancer tant bien que mal, avec parfois du redoublement mais pas vraiment une prise en charge individualisée", explique Eric Charbonnier, spécialiste de l'éducation à l'OCDE.
Les programmes du collège s'adressent "aux meilleurs élèves. Ceux qui envisagent autre chose que le lycée général ont l'impression de perdre leur temps", juge Philippe Tournier.
Pour Paul Raoult, président de la FCPE, il faut sortir de la logique "une heure, un prof, une classe, ce n'est plus adapté".
"Dans les pays qui fonctionnent bien - Finlande, Canada, Corée, Japon- il y a un chef d'établissement actif, une culture de collaboration à l'intérieur de l'école", souligne M. Charbonnier, pour qui la principale question reste de mettre des moyens dans les collèges les plus difficiles.